Une lecture de PAUL MAUGENDRE L'art pictural, tout comme la sculpture, est souvent présent dans l'œuvre littéraire de François Darnaudet : Les Dieux de Cluny, Trois guerres pour Emma, Le Fantôme du Quai d'Orsay, Art et artistes en pays catalan... aussi n'est-il point étonnant qu'il s'intéressa à la vie d'une peintre paysagiste méconnu : Harpignies. Mais cette bande dessinée, si elle narre le parcours d'Henri Harpignies (1819 - 1916), n'est pas à proprement parler une biographie même si l'on suit l'artiste tout au long de sa carrière, est également le prétexte à mettre en scène un jeune descendant du peintre confronté à un quotidien pas forcément rose. D'autant que tout comme son ancêtre il préfère le bleu cobalt, le vert Véronèse, le vert émeraude, l'ocre jaune, la terre de Sienne naturelle, la terre de Sienne brûlée, le brun rouge et le blanc d'argent. Le jeune Eric vient de perdre sa grand-mère et s'il a du chagrin, il ne le montre pas, contrairement à d'autres membres de sa famille. Et en regagnant le domicile de ses parents à Perpignan, il croit qu'un cambrioleur s'est introduit dans leur logement. Un tableau a disparu. Sa mère, confuse, est obligée de lui expliquer qu'à cause de besoins pressants d'argent elle a été obligée de vendre la toile signée Harpignies. Toutefois il reste un carnet de dessins qu'elle lui donne. Eric doit rentrer à Paris afin de poursuivre ses études mais un problème de train (C'est devenu d'une banalité !) l'oblige à passer le restant de la journée à Montpellier. Sa prochaine correspondance n'étant prévue que pour le lendemain matin aux aurores. Il décide alors de visiter le musée Fabre et il rencontre une jeune fille, Marie, qui prépare une thèse sur l'école de Barbizon. Ils sympathisent, il lui montre les dessins de son trisaïeul, ils papotent, elle l'invite à passer une nuit blanche... dans une boîte de nuit. De retour à Paris, Eric se morfond. Il pense à Marie, il communique avec elle par mails et joue de la guitare, tentant de composer des chansons. Profitant du prétexte de rencontrer son directeur de thèse à la Sorbonne, Marie retrouve Eric. Un rapide passage chez le jeune homme pour déposer ses affaires ensuite direction le musée du quai d'Orsay où il peut croquer rapidement un Harpignies, puis retour chez Eric. Et ce qui devait arriver arrive, mais ceci ne nous regarde pas ! Eric se met à peindre un tableau à la façon de son ancêtre tout en réfléchissant à sa situation avec Marie qui est retournée chez elle. Je ne la connais pas mais j'ai envie d'être avec elle. C'est aussi parce que je ne la connais pas que j'en ai envie. D'ailleurs j'ai peur de la connaître et d'avoir envie de ne plus être avec elle. C'est en exprimant cette profonde pensée qu'il continue son tableau. Son père arrive à l'improviste, le félicite pour son coup de pinceau et lui remet un vieux chapeau qui trainait dans une malle et avait appartenu à Henri Harpignies. Ainsi chapeauté, Eric peut s'imprégner de l'esprit du peintre. D'ailleurs Marie, revenue s'installer avec Eric lui fait une proposition étonnante qui bouleverse le train-train quotidien de notre peintre amateur. Les deux histoires, celle d'hier et celle d'aujourd'hui, s'imbriquent sans que le lecteur perde le fil de l'intrigue. L'humour est souvent présent, surtout dans les dialogues ou dans les pensées de notre jeune héros. Ainsi lors de l'enterrement de sa grand-mère, qui est en fait une crémation, une des personnes présentes demande, comme si cela avait une importance vitale, à Eric : Dis-moi, tu sais pourquoi elle n'a pas voulu être enterrée ? Eric répond en toute sobriété : Elle disait qu'elle était claustrophobe. Le dessin signé Elric est clair, sobre, dépouillé, épuré même parfois, mais en même temps travaillé finement, au service du scénario qui par ailleurs comme je l'ai déjà écrit ne manque pas d'humour. Nous ne sommes pas loin de la ligne claire de l'école belge. Afin de mieux comprendre comment travaille Elric je vous conseille de vous reporter à un entretien accordé à Nicolas Vadeau lors de la sortie de Marche ou rêve (Dargaud - 2011) et mis en ligne sur Bulle d'encre. Un autre article lui est consacré dans les pages de l'Indépendant. Parution 12 février 2014. 80 pages. 15,50€.
PAUL MAUGENDRE |
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