Une lecture de CLAUDE LE NOCHERÀ Lyon, dans la matinée du 14 juin 1963, le Crédit Général est attaqué par une bande de gangsters armés. Parce qu’un client intervient, l’opération ne tarde pas à tourner au carnage. Les flics cernent bientôt le quartier. Un meurtrier échange de tirs cause plusieurs victimes, chez les policiers et les truands. Intercepté, le braqueur Devineau est en état d’arrestation. Dumont est parvenu à s’enfuir sans être inquiété. Il n’a pas vraiment le choix quand les sbires du caïd Devineau, le frère de son complice, l’invitent à rencontrer le patron. Celui-ci n’aime pas être impliqué de trop près dans des affaires foireuses. Il donne ses ordres. Dumont a intérêt à obéir s’il veut rester “du bon côté de la barrière”, comme dit Sauveur, le second de Devineau. Esprit indépendant, Dumont supprime Gino et Carl, les hommes du caïd, avant de se faire la malle. Devineau se doit de réagir. À Brignoles-sur-Gevray, Dumont-père s’alcoolise et végète dans sa propriété au cœur du vignoble bourguignon. Il est veuf depuis la guerre, inconsolable de son épouse morte dans des conditions incertaines. Jean Dumont traîne souvent avec ses deux meilleurs amis au bar de Mangin. Question de proximité, car ce n’est pas l’amabilité du patron qui les attire. Quant au curé, il serait bien avisé de ne pas se mêler de leurs discussions énervées. Avec Dumont et ses camarades de boisson (depuis la Résistance), il y a du bourre-pif dans l’air. Ils ont la taloche facile, le gnon généreux, l’uppercut percutant. Il est vrai que, généralement ivre, Jean Dumont s’en prend vertement à tout le monde, de Mlle Granbec amie des scouts à ce cancrelat d’huissier Laratière. Même son ami le comte de Flachet, qui appréciait vertueusement son épouse, ne peut guère calmer Jean Dumont. Face au commissaire Lemoine et à son adjoint Franchard, le truand Devineau joue les innocents. Son puissant frère demande à Riton et sa bande de prendre la direction de Brignoles-sur-Gevray, où Dumont-fils se cache probablement. En effet, celui-ci vient de renouer avec son acariâtre père. Riton est un vieux copain de Mangin, le bistrotier ex-gangster : “Quand il tient une sulfateuse dans les pognes, il te remplit un cimetière plus vite que la peste”. Sur ce coup-là, c’est aux poings que se décide la victoire… Il y a fort peu de chance que Jean Gabin, Lino Ventura, Bernard Blier, Michel Constantin ou Louis de Funès, tournent dans de nouveaux films. Pas plus que Francis Blanche, Paul Meurisse, Robert Dalban, André Pousse, et autres éminents seconds rôles de jadis. Ces “tronches” du cinéma français d’antan, qu’on aime revoir, pourquoi ne pas en faire les héros d’aventures inédites, en bédé ? Telle est l’idée de cet album, premier tome d’une série. Avec Steve McQueen en guest-star, dans le rôle du fils Dumont. Beau casting, pour un polar qui se veut dans la veine des films d’autrefois. Clin d’œil, c’est au bar Le Doulos qu’a ses habitudes le caïd Devineau. Dans le village bourguignon, ça picole et ça rigole, avant la castagne véhémente. Les dialogues s’inspirent de ceux du regretté Michel Audiard, presque aussi fleuris. Une histoire sympathique, pour nostalgiques du cinéma d’action de cette époque.
CLAUDE LE NOCHER |
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