LA NOTION DE « PLAISIR »

Fréquenté par de nombreux couche-tard, l'établissement déclinait son menu dans plusieurs langues. Si les plats n'étaient pas légion, les bières, elles, se comptaient par dizaines, pour la plus grande satisfaction d'Eytan. Il se décida pour une boisson aromatisée au caramel qui se marierait à merveille avec la suggestion du jour : du jarret de porc rôti au miel accompagné d'une soupe de légumes servie dans un pain en croute. Elena semblait peu inspirée par la profusion de viandes en sauce, trop riches à son gout. Pressé d'entamer les hostilités, Eytan lui commanda d'autorité un bramboraky — des galettes de pommes de terre frites parfumées à la marjolaine.
— Avec ça, tu goûteras aux spécialités locales sans perdre la ligne, plaisanta-t-il.
— Je ne m'inquiète pas pour ma ligne. Je te proposais juste de nous restaurer, enchaîna-t-elle, pas de nous embarquer dans une visite gastronomique de la ville.
En dépit de l'insistance du serveur, elle resta inflexible sur la boisson et demanda une eau minérale plate. Eytan rendit la carte au garçon qui, enfin, les laissa seuls.
— Tu appartiens donc à cette terrifiante catégorie de gens pour qui se nourrir n'est qu'une nécessité...
— Tu as un problème avec ça ?
— La notion de « plaisir » te dit-elle quelque chose ?