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Rhapsodie En Scie Mineure |
Vous l'auriez parié, je remets les couilles sur la table…Oups ! Moi qui voulais vous la raconter façon carte postale…Plouf plouf, je recommence :C'était la saison des pluies, je venais d'atterrir à Lafayette, Louisiane où le boss m'envoyait en mission spéciale. Mon rôle ? Troublemaker, en quelque sorte…Moi, vous me connaissez ? (Depuis le temps…) Une petite virée en célibataire, jumelée avec un contrat de confiance, arrivait à point nommé pour m'extirper de ma léthargie…Je m'installais donc à Saint Clément des baleines, la mal citée, étant donné la rareté des cétacés dans la mangrove…C'était la saison des pluies, donc, et une ambiance poisseuse à souhait, schlinguait à pleins naseaux, pas seulement due à la moiteur des bayous…La ville était en ébullition, le Sud raciste revival battait son plein, à guichets fermés…Ma cible probable était un mec classieux au demeurant, notable de son état, donc Blanc, fortement suspecté d'avoir pour hobby principal, de jouer à la poupée avec des petites filles noires. Un serial violeur, doublé d'un assassin…Leurs corps de seigle l'excitaient grave, l'immonde porcin. Les petites épaves étaient retrouvées, échouées, dans le meilleur des cas, sur les bancs de sable, mais la plupart du temps, les fillettes ébènes étaient dévorées par les alligators foisonnant dans les marais abondants…Le boss avait de la famille en pays cajun, et m'avait donc prié de nettoyer la vase locale. L'agent trouble qui dort en moi, se réveilla en sursaut.Je décidais tout d'abord de prendre la température, (élevée en cette saison des pluies) et de vérifier les soupçons pesant sur le lascar. Pas question de supprimer un innocent. Quoique la notion d'innocence soit très subjective, de nos jours… À Saint Clément des baleines, si tu prends la bonne ruelle, tu trouveras ce que tu cherches… Un poucave est facile à identifier, pour le pro que je suis, et dés que j'ai découvert sa faiblesse, le fric, la came ou la vengeance, je le confesse rapidement.Depuis six mois, une vingtaine de gamines couleur café avaient disparu, toutes âgées entre 6 et 10 ans, et seuls 5 ou 6 corps étaient réapparus, coincés dans la mangrove.Notre douteux personnage les attirait (sous quel motif ?) dans le dédale de ce delta du Mississippi, bien nommé, (grande eau en algonquin), où eau et terre se mêlent intimement, dans une végétation luxuriante et une faune étonnante : pélicans, ratons laveurs et alligators. (Je vous avais prévenu… je suis prêt pour une reconversion chez "le petit futé"...)On te l'annonce tout de suite ici : "Les voies du bayou sont impénétrables", du moins pour les non initiés. Donc le pointeur connaissait bien les marais et pouvait approcher les enfants sans paraître louche…Mon suspect produisait et enregistrait des groupes de blues, en recherche incessante de nouveaux chanteurs et musiciens blacks. De plus, il était natif du coin…Deux bonnes raisons pour que je le surveillasse…Le patron de mon petit hôtel, un vieux Noir, avait lui aussi, en son temps, obtenu son heure de gloire. Il berçait mon séjour de rengaines nostalgiques, accompagné de son banjo. Le vieux Slim était mes yeux et mes oreilles dans cette affaire.Il me rapportait les infos et ragots sans se faire prier, ayant compris et approuvé ma démarche. Il m'apprit que le producteur dénichait des artistes, en sillonnant la "paroisse", (le comté en langage cajun) s'introduisant sans difficulté dans les maisons de la population créole. Une fois mon intime conviction acquise, je passais à l'action en compagnie de mon bluesman préféré. Il crevait d'envie, comme moi, de lui marave sa ganache. (Ça, c'est du manouche, mais bon, la colère est universelle.) Le vieux Slim savait se repérer parfaitement dans le marigot local. Sous prétexte d'un rendez vous musical, nous rencontrâmes le marlou, le kidnappâmes, (si c'est français !) et l'embarquâmes dans le marécage boueux. En anglais : to take someone for a ride. J'aurais pu lui réciter : "Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir de créer d'autres cd…" Ni une, ni deux, il avoua ses crimes, regretta vaguement, puis nous le balançâmes, (je finis la série) dans la mangrove.Je l'ai souvent remarqué (et Darwin, avant moi) : "La nature tend à éliminer les prédateurs…"Un énorme croco, qui passait par là, referma ses mâchoires avides et acérées sur cette proie providentielle, sans autre forme de procès… C'était la saison des pluies, un vieux Créole me berçait d'airs de blues, accompagné de son banjo… |
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