Le Sens Des Affaires une nouvelle de Jean-Paul RENOUX


Le Sens Des Affaires

par

JEAN-PAUL RENOUX


Mercredi 14 juin : « Je commence ce journal aujourd'hui, parce que je sens que les jours à venir laisseront une trace dans l'histoire de l'humanité. Depuis dimanche, les vaisseaux sont au-dessus de la baie. Je n'ose pas écrire, les vaisseaux "spatiaux", pourtant, il s'agit bien de vaisseaux venus de l'espace. Pour l'instant, personne n'a vu leurs occupants. Lorsque nous saurons à quoi ressemblent les extraterrestres, je crois que n'aurons plus de mal à parler de vaisseaux spatiaux.
Tout a commencé, il y a six jours. Vendredi, les enfants sont arrivés pour passer quelques semaines avec nous. On verra, comme ils disent. Et cela veut dire qu'ils vont voir s'ils nous supportent et combien de temps. J'écris les enfants, mais il s'agit de la fille de mon mari Charles et de son petit ami. Nous avons eu un mouvement de recul en voyant ce jeune garçon. Il est très beau, très musclé, très bronzé. Charles m'a surpris voici quelques temps avec le jeune homme qui livre des galets de sel pour l'adoucisseur d'eau.
J'adore les jeunes hommes musclés, avec leur ventre plat et leur sexe qui semble à peine rattaché à leur corps mince. Ça donne un côté aérien à l'amour avec eux. Comme toujours, Charles s'est détourné et il est retourné à ses chères collections. Le jeune livreur n'a pas été gêné, je suis la seule à avoir vu Charles. Pour faire plaisir à mon mari, j'ai quand même changé de fournisseur pour les galets de sel de l'adoucisseur d'eau.
Nous habitons une grande maison blanche, à flanc de colline. Elle domine la baie et la mer. Cette maison est comme une coulée de béton jusqu'à la plage. On y accède par le haut, par le bord de la route, et on y circule par des couloirs et des escaliers qui sont comme des boyaux. C'est une maison blanche et organique. Comme il fait presque toujours beau chez nous, elle est presque toujours ouverte sur le ciel et sur la mer et nous vivons dans l'air et dans les embruns.
Côté colline, la maison est enfouie dans la terre. Charles colonise tous ces espaces protégés du soleil avec ses collections : des oeuvres très contemporaines de peintres célèbres, sans oublier les fétiches en bois, les boites étranges et les céramiques précieuses. Ces objets sont très beaux, mais, chaque semaine, cela prend des heures à Marie de les épousseter. Charles m'a demandé de ne plus prendre d'homme de ménage. Je respecte sa demande, mais il est hors de question que je passe mes journées à entretenir ses collections.
Charles me surveille et évite de me laisser seule avec le jeune ami de sa fille. Les deux jeunes gens ont emménagé dans la pièce la plus basse de la maison. Cette chambre n'est que verrières et alcôves. Elle domine la piscine qui elle-même surplombe d'une dizaine de mètres la plage. Je passe beaucoup de temps à épier les jeunes gens, espérant surprendre les rumeurs de leurs ébats. Le garçon est discret, mais cela ne me gène pas d'écouter Marlène, la fille de mon mari. Ils ont l'air de bien s'entendre, tous les deux. C'est bien, qu'elle en profite.
Dimanche, nous étions tous les quatre sur la plage, quand un jeune homme roux s'est approché pour nous demander de quel droit nous empêchions l'accès à la plage. Les bourgeois voulaient donc posséder la mer ? Charles l'a rembarré vertement. Il l'a fait décamper en le menaçant d'appeler les autorités. Il déteste les envieux. Il a bossé pour en arriver là, me répète-t-il souvent. Il y a des gagnants et des perdants, c'est la marche du monde qui veut ça. Il a épargné au gamin le couplet sur ses deux boulots pour payer ses études. Tant mieux – pour nous.
Le gamin était mignon. Il est parti la tête haute en gueulant des injures. Le petit ami de Marlène a un peu fait la tête. Il n'a rien dit. Il attendra d'être mieux implanté dans la famille pour donner son avis. Ou alors, il se taira, préférant profiter tous les étés de la grande maison blanche. Ce jeune homme restera quelques années encore irrésistible, avec son beau ventre plat et ses poils en pointe vers le nombril. Puis, il s'empâtera et deviendra comme Charles : un homme charmant.
J'en étais à le lorgner de derrière mes lunettes de soleil, lorsque nous avons entendu un vacarme assourdissant. Une nuée d'hélicoptères et d'avions de chasse sont passés au-dessus de la maison. Nous ne les avons pas vu repasser dans l'autre sens. À la place, dès le lendemain, ce sont les vaisseaux spatiaux qui sont apparus.
Aujourd'hui, nous sommes presque habitués à leur présence au-dessus de la mer. J'arrive à penser à eux comme à des nuages. Les autorités et les médias rivalisent d'hypothèses pour nous rassurer ou nous inquiéter. Les jeunes gens poursuivent le cour de leurs vacances. Le soleil joue son rôle érotisant, car, cette nuit, j'ai entendu Eric, le jeune homme, qui murmurait à Marlène de continuer, que c'était bon.
Je me lève souvent la nuit pour boire depuis qu'ils sont à la maison.
On dirait que Marlène comprend la chance qu'elle a d'être jeune et d'avoir un bel amant, car, maintenant, je les entends sans même avoir besoin de coller mon oreille à la porte. Ou alors, c'est l'angoisse du présent qui les transforme en mammifères inquiets. Je suis sûre qu'à la fin de l'été, elle nous annonce qu'elle est enceinte. Même si, selon les soirs, ils ont des pratiques qui ne leur font pas courir beaucoup de risques de ce côté-là, je sais comment une jeune femme calme son angoisse pour les lendemains. »

Samedi 17 juin : « La plage et les rues de la ville étaient jonchées de papiers triangulaires sur lesquels les extraterrestres nous annoncent qu'ils sont venus pour éradiquer la race humaine. Il y a des émeutes en ville. Charles se terre dans son bureau et passe des coups de fil aux autorités pour tâcher d'en savoir plus.
Les jeunes restent dans la maison, à l'abri des murs et des alarmes. Ils prennent le soleil au bord de la piscine. Parfois, ils sont nus. Charles me confine alors dans la cuisine. Marie n'est pas venue depuis quelques jours. Charles dit que m'occuper de la maison m'empêche de penser à la fin prochaine de l'humanité. Je m'en fiche éperdument, de la fin prochaine de l'humanité : je ne vois pas pourquoi les gens s'accrochent autant à la vie. Il y a bien les beaux jeunes hommes, mais, quand vous vieillissez, ils s'intéressent moins à vous, alors... »

Dimanche 18 juin : « Les vaisseaux ont disparu. Le ciel au-dessus de la mer est vide. Je fais une délicieuse ratatouille pour les jeunes. Trancher des courgettes épuise ma colère contre Charles qui n'a pas réussi à me faire l'amour hier soir alors que j'en avais très envie. »
Mardi 20 juin : « Marie est revenue. Elle dit que l'on dit en ville que les vaisseaux se sont posés dans les collines. Marie a fait brûler le rôti. Elle a pleuré quand Charles lui a fait des reproches. »

Jeudi 22 juin : « Marie avait les yeux rouges ce matin. Elle a pleuré toute la nuit, mais ce n'était plus à cause du rôti brûlé et des reproches de Charles. Son copain est parti dans les collines avec des explosifs, pour faire sauter les extraterrestres a-t-il dit. Il n'est pas réapparu depuis. Ce n'est pas une grande perte : ce garçon avait un gros ventre de buveur de bière et de bon à rien. »

Vendredi 23 juin : « Toujours les tracts triangulaires qui nous annoncent la fin du monde. Cette histoire de tracts écrits par les extraterrestres me laisse sceptique. Je me dis qu'une forme de vie capable de construire des vaisseaux spatiaux et de traverser l'univers saurait mettre la main sur un dictionnaire et écrire "destruxion" sans faute d'orthographe... Pas de nouvelle du copain de Marie qui a disparu depuis deux jours... La presse montre des photos satellites des vaisseaux spatiaux posés dans les collines. Il ne se passe rien. Je me demande si je ne perds pas mon temps avec ce journal. Charles bande de nouveau, c'est mieux que rien. Ça me fait quelque chose à marquer dans ce carnet. »

Vendredi 30 juin : « On aurait aperçu des extraterrestres à la lisière de la ville. Tant mieux, les jeunes parlaient de partir quelques jours en balade autour de l'île. Ils sont merveilleux ces enfants, bronzés à souhait, insouciants. Je suis contente. Hier, j'ai réussi à voir Eric sous la douche.  »

Mardi 4 juillet : « Les autorités sont venus chercher Charles pour rencontrer les extraterrestres. Une réunion est prévue entre leurs émissaires et les notables du coin. Charles a flippé toute la nuit. Il n'arrivait pas à s'endormir et l'effet mammifère a très bien joué : il m'a fait l'amour deux fois – et avec une certaine vigueur, ce qui vaut la peine d'être noté dans ce carnet.  »

Jeudi 3 août : « Depuis un mois, nous donnons sans cesse des réceptions à la maison. Pas le temps d'ouvrir ce carnet ou de raconter maintenant tout ce qui s'est passé. Les extraterrestres sont des gens charmants qui aiment beaucoup la cuisine de Marie et semblent ne pas se lasser des dissertations de Charles sur l'art terrestre. Ils ne sont pas très effrayants, sauf lorsqu'ils sourient. Mesurant à peu près 1 mètre 30, ils ressemblent à des enfants de douze ans. S'ils n'avaient pas cette bouche pleine de dents très jaunes, avec les canines plus longues, tout irait bien. »

Vendredi 4 août : « Les enfants décident de rester quelques temps encore. Marlène a la nausée. Décidément, ce petit Eric est très bien. J'ai réussi à le coincer dans la chaufferie, hier. Charles était à une de ses réceptions avec les extraterrestres. Marlène se reposait. Je l'ai eu par surprise, le petit Eric. En deux secondes, il avait le caleçon sur les chevilles. J'espère que la petite Marlène ne souffrira pas de la comparaison, parce que, avec moi, Eric a poussé des râles beaucoup plus libérés qu'avec elle. On s'est promis de ne pas recommencer. Chante, beau merle, chante... »

Lundi 4 septembre : « Malgré l'inquiétude des parents des élèves terrestres, les enfants d'extraterrestres ont fait leur rentrée avec ceux de chez nous. Tout se passe bien, me dit Charles. Il a eu du mal à faire accepter cette idée aux autorités, mais il est persuadé que des gens qui s'intéressent aux arts premiers ne peuvent qu'être foncièrement bons et profondément humains. Je lui ai demandé si c'était un jeu de mots et il n'a même pas souri. Charles me fait un peu la tête, car il m'a vue à genoux devant Eric, dans la chaufferie de nouveau. Nous avions résisté un mois. Heureusement, la joie de savoir que sa fille attend un heureux événement tempère la colère de Charles. »

Jeudi 12 octobre : « Les choses vont mal. Eric ne veut plus de moi. Il culpabilise. Il a l'impression de trahir la mère de son futur enfant. Ce n'est pas grave, il nous fait une couvade et mange trop. Son ventre n'est plus aussi beau.
Charles est en difficulté avec les autorités. Il y a eu des émeutes. Les gens ont peur des extraterrestres. Les enfants des terrestres ne veulent plus aller à l'école. Les autorités accusent Charles de les avoir trop incités à aller vers les extraterrestres. Charles ne comprend pas. C'est eux qui sont venus le chercher. Je lui dis qu'il doit jouer leur jeu en appliquant à cette histoire son sens des affaires. Il y aura des gagnants et des perdants. Il faut qu'il se fasse à l'idée.
On parle aussi de gens qui organisent une résistance contre les extraterrestres. Ces gens ont toujours peur de ce qu'ils ne connaissent pas. J'ai failli écrire "de ce qu'ils ne comprennent pas", mais cela engloberait la quasi-totalité de leur environnement... »

Mercredi 25 octobre : « Charles est revenu à la maison avec un extraterrestre. Ils ont sympathisé, dit-il. L'extraterrestre nous fait voir un objet de chez lui. Un objet d'art de chez lui, précise Charles. C'est un honneur et un privilège, ajoute-t-il, car cet objet est sacré pour eux et l'extraterrestre aurait des problèmes si ses concitoyens savaient qu'il a emmené ce truc hors du vaisseau qui leur sert de lieu de culte.
Je suis un peu déçue de savoir que les extraterrestres ont une religion. J'espérais qu'ils étaient au-dessus de ça. Quand je le dis à Marlène, elle en pleure de rire et me demande s'ils doivent être au-dessus de ça parce qu'ils sont descendus du ciel. Charles nous fait les gros yeux. Je n'ai pas le temps de rétorquer à Marlène que les extraterrestres sont comme le Père Noël, en fin de compte.
Nous n'échappons pas à la démonstration organisée par l'extraterrestre. L'objet est une sorte de cerceau plat d'une cinquantaine de centimètres de diamètre, épais et large de dix. On dirait qu'il est fait en bronze. Lorsque l'extraterrestre appuie à un certain endroit, deux arcs se déploient, se tortillent, s'entremêlent et s'emboîtent pour former une sorte de boite rectangulaire d'une dizaine de centimètres de côté.
Charles me dit que c'est de l'art et que cet extraordinaire objet reflète leur conception de l'univers changeant et sans cesse réarrangé par les forces obscures à l'oeuvre dans la galaxie. Et ils sont tellement excités, l'extraterrestre et lui, qu'ils font rejouer plusieurs fois les mécanismes de cette boite.
Nous avons un dîner très gai avec l'extraterrestre et les enfants. Charles, Eric et l'extraterrestre sont même un peu saouls à la fin du repas. »

Dimanche 29 octobre : « On a retrouvé le cadavre d'un extraterrestre dans les collines. Il était mort depuis quelques jours. Des traces de coups montrent qu'il a été assassiné. Sans doute les "résistants" qui ont fait une chasse à l'extraterrestre après s'être saoulés. Les extraterrestres ont fait un raid punitif dans une banlieue et massacré plusieurs personnes. C'est la panique, nous sommes de nouveau enfermés dans la maison. Les enfants ont peur pour leur bébé et pour eux. Marie me dit qu'en ville les gens parlent des tracts et redoutent la fin du monde. Les autorités viennent et demandent à Charles d'intervenir pour renouer le fil du dialogue. »

Vendredi 10 novembre : « Deux semaines de violence viennent de s'écouler. Charles a obtenu des extraterrestres qu'ils rentrent chez eux. Le monde n'est pas prêt à les accueillir. Eric opine du chef. Il a pris au moins dix kilos et ressemble de plus en plus à Charles. Un peu d'exercice lui ferait du bien, mais nous ne pouvons pas sortir de la maison. C'est trop dangereux, les gens nous en veulent. On dit que c'est Charles qui a fait venir les extraterrestres. Je suis sûre que ce sont les autorités qui ont balancé son nom à la presse. Je pressens qu'il va servir de bouc-émissaire. Lui passe ses journées à se lamenter sur cette merveilleuse occasion de découvrir l'art d'une autre civilisation qui se perd. Je ne l'avais jamais vu aussi effondré. »

Samedi 11 novembre : « J'apprends par Marie que l'extraterrestre qui a été tué transportait un objet très précieux avec lui, qui avait une grande valeur religieuse sur sa planète, et que c'est ce qui expliquerait la violence des représailles extraterrestres. Charles me dit qu'il savait que c'était l'extraterrestre qui était venu dîner de l'autre jour qui avait été tué, sans doute en regagnant les collines où sont toujours stationnés les vaisseaux spatiaux. Il ne m'en aurait rien dit pour éviter que j'aie du chagrin. Charles me cache quelque chose. Il sait depuis toujours que seul mon plaisir me préoccupe. Je ne suis pas fière de cette perversité égocentrique, mais ce trait de caractère fait partie des raisons pour lesquelles il m'a épousé. »

Jeudi 7 décembre : « Les extraterrestres sont partis. Les autorités laissent Charles en paix. Pour l'instant. Eric a repris le contrôle de sa vie. Il va beaucoup en ville en ce moment. Il a perdu du poids. Depuis trois jours, c'est lui qui me donne rendez-vous dans la chaufferie. »
Lundi 1er janvier : « Drôle de réveillon. Eric avait invité beaucoup de monde à la maison. Des représentants des autorités et des gens aux cheveux très courts qui portent des toges et veulent édifier des temples à la gloire des extraterrestres. Ils reviendront et accompliront leur promesse de détruire le monde si nous ne sommes pas devenus meilleurs d'ici là, disent ces espèces de bonzes. Les gens ont besoin de croire, dit Eric à Charles qui a l'air de ne pas comprendre. Parfois, je suis demande comment cet homme a si bien réussi dans les affaires alors qu'il ne connaît rien aux hommes – et ne parlons pas des femmes... »
Samedi 13 janvier : « Nous sommes reclus dans notre propre maison. Eric et ses bonzes occupent le haut de la maison. Les autorités menacent de poursuivre Charles. On leur reproche les dizaines de morts des événements de l'été dernier et ils rejettent la faute sur Charles qui ne peut plus sortir de la maison sans risquer le lynchage. Charles se morfond. Eric ne veut plus de moi. Il est trop occupé à coloniser la ville avec ses bonzes. Il aurait fait alliance avec les résistants. »

Lundi 19 janvier : « Les autorités nous ont assignés à résidence dans la petite maison de planches que nous avons sur la plage et qui sert à ranger le bateau en hiver. Nous campons là-dedans, dans notre crasse et nos détritus. Marlène nous amène des vivres aussi souvent que possible. Elle pleure en voyant notre état. Par égard pour le sien, nous faisons mine de rien. »

Mardi 20 janvier : « Ma maison me manque. »

Jeudi 22 janvier : « Depuis cette nuit, Charles pleure en serrant contre lui un petit sac de cuir qu'il a tiré d'une trappe aménagée dans le plancher. Il ne me répond plus lorsque je lui parle. »
Mercredi 31 janvier : « Nous avons entendu des bruits de fusillades ces derniers jours autour de la maison et des explosions en ville. Paradoxalement, nous sommes à l'abri sur cette plage. Les bonzes d'Eric et les résistants protègent leur nouveau chef qui a fait son camp retranché dans la villa. Les représentants des autorités qui nous gardaient ont disparu. C'est un résistant et un bonze qui nous empêchent de sortir maintenant.

Jeudi 1er février : « Hier, les affrontements ont permis à Eric de renverser les anciennes autorités. Ce matin, un de ses bonzes en chef est venu nous voir pour nous dire que les tenants du nouvel ordre ne nous libéreront pas et envisagent même de faire notre procès public. Nous sommes les figures emblématiques du monde ancien. C'est à cause de gens comme nous que les extraterrestres sont partis.
Les extraterrestres sont devenus leurs dieux. Le moindre objet laissé derrière eux est une relique. Malgré sa tenue de bonze, je reconnais le garçon aux cheveux roux qui nous a invectivé, l'été dernier, au sujet du luxe dans lequel nous vivions pendant que les travailleurs devaient aller à la plage dans des endroits souillés par les égouts de la ville. Le gamin a fait du chemin. Il est le grand chef des milices religieuses qui s'occupent de convaincre quiconque ne veut pas se convertir et adopter les codes de l'ordre nouveau.
Le gamin commence d'ailleurs à d'ôter sa toge. Il va me faire comprendre ce qu'est l'ordre nouveau. Charles s'interpose et le gamin lui balance un coup de poing qui l'assomme sur le coup. Entendant le bruit de la bagarre, un autre prêtre entre pour se jeter sur moi. Je n'ai qu'un geste à faire pour l'égorger – tout comme Charles, j'ai moi-aussi pensé à m'aménager une petite cache dans la maison de la plage. D'ailleurs, j'y ai pensé bien avant que les choses tournent au vinaigre pour nous.
Le bonze s'est tourné vers le gamin roux, le sang coule sur sa toge. Il a les yeux écarquillés d'horreur. Je n'ai qu'à remuer le couteau et sa lame rouge pour avoir toute l'attention du gamin de la milice. Je lui dis d'attendre avant d'appeler au secours. J'ouvre le sac que Charles sert toujours contre lui. Dedans, il y a le drôle d'objet que nous avait montré l'extraterrestre. »
Vendredi 18 mai : « Je n'ai pas eu le temps d'écrire dans ce carnet pendant près de deux mois et demi. C'est le temps qu'il m'a fallu pour remettre de l'ordre dans ma vie et dans ma grande maison. Eric est mort. C'est le gamin de la milice qui l'a tué, ce matin-là de février, avant de prendre sa place. Ce gamin s'appelle Paul. Il est très bien, ce Paul.
Charles est devenu le grand chef des autorités de la ville, laissant à Paul les bondieuseries extraterrestres. Ils organisent des pèlerinages pour les gens qui veulent voir la mutation du cercle que les extraterrestres ont laissé derrière eux. Charles est content, il a réuni en quelque mois les fonds qui vont lui permettre d'ouvrir un musée pour mettre tous les trucs qu'il aime collectionner.
Je suis souvent seule à la maison. Marlène et son bébé me tiennent compagnie. Paul a adopté le bébé. Il vit ici. Marlène et moi nous apprécions beaucoup Paul. Charles me fiche la paix avec ça. Après tout, c'est moi qui lui ai sauvé la mise. Je suis sûre qu'il s'imagine que c'est lui qui m'a enseigné que, dans la vie, il y a des gagnants et des perdants. Le sens des affaires, comme il dit. Charles est délicieusement naïf. Malgré le temps qui passe, je l'aime toujours. »
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