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Les Bavarelles |
Un jour, Dieu créa la terre, les animaux, ceux qui volent, nagent, rampent ou courent sur deux ou quatre pattes, toute bête qui hennit, aboie, miaule, crie ou se tait. Il fit l’homme à son image ! Avant de créer la femme et de se reposer, Dieu regarda chacun. Il hocha la tête : - Tout cela est bel et bon, pourtant il y faudrait davantage de majesté ! Dieu décida que chaque bête aurait sa corne, que chaque corne aurait sa bête. Il peaufina l'ouvrage et se présenta devant la création assemblée avec des cornes. Des grandes, des petites, des droites, des courbes, des tordues, des torsadées... Seule la gentille et modeste licorne accepta d'orner son front d'un unique trophée. Ensuite, les choses se compliquèrent ! Il y eut ceux qui firent les dédaigneux. Le lion secoua la crinière : - Décidément, cette chose altérerait l'harmonie puissante qui émane de ma personne ! Le chat montra les griffes. - Grand merci, Seigneur, je suis assez bien loti ! Le chien exhiba les crocs. - Eh quoi, mes dents, est-ce rien ? Il y eut ceux qui n'en voulurent point, ceux qui se trouvant moins bien pourvus que d'autres voulaient réparation. La vache, la chèvre, les ruminants affirmèrent que le Créateur n'avait pas été si généreux que cela avec eux. Ils voulurent non pas une, mais deux cornes. Dieu soupira ! Comme il ne voulait pas avoir œuvré en vain, il consentit que certains n'eussent point de cornes pendant que d'autres en auraient deux. Voilà qu'il ne restait que les petitounes, mignonnettes, pas vraiment utiles à quoi ou à qui que ce fût. L’escargot en fut pourvu ! Celui-là, vraiment, était désavantagé, en raison de sa lenteur à se déplacer. Sa taille ne lui permettait pas de voir où il allait, Dieu agrémenta donc la tête baveuse de deux cornes mignonnes, petites, qui traînaient par là et qui n'auraient pas été si utiles que ça si Dieu n'avait ajouté au bout de chacune d'elles un œil permettant à la bestiole de voir plus haut, plus loin et de mieux se diriger. Dieu est bon : il fit ces cornes-ci rétractiles ! Satisfait, L’Eternel pensait en avoir fini. Il se frottait les mains, quand il entendit une pauvre petite voix protester faiblement : - Seigneur, vous m'avez oubliée ? C’était la Bavarelle ! Une petite chose, qui n’avait l’air de rien et que Dieu affectionnait beaucoup. Quand il avait créé les animaux, ceux qui volent, nagent, rampent ou courent sur deux ou quatre pattes, toute bête qui hennit, aboie, miaule, crie ou se tait, il avait vu qu’il lui restait un peu de matière vivante. Il avait fait ça, sans trop savoir à quoi cela pourrait servir, à qui cela pourrait être utile. Une gentille bête certes, avide d’affection, mais qui avait le désagrément de baver quand on la caressait... Voilà Dieu bien contrarié ! Il ne lui restait vraiment rien. À moins que... Il y avait bien ce petit quelque chose, une corne c’était trop dire, à peine un bouton. Le petit quelque chose semblait convenir à la chose. Tout le monde était content. La Bavarelle pourvue d’un bouton redoubla d’affection, tant que Dieu se demandait comment faire pour s’en débarrasser... Adam voulut une compagne ! Vous savez que Dieu prit une côte, que de cette côte il fit un être semblable à Adam, avec un peu plus de rondeur, moins de pilosité, tellement ressemblant qu’il ne manquait même pas l’oiselet et les grelots dont Adam était si fier. Il les montrait à chacun de ceux qu’il rencontrait : - Avez-vous vu mon oiselet ? Et mes grelots, ne sont-ils pas beaux ? Dieu décida que la petite nouvelle aurait plus de modestie. Il prit un ciseau, un marteau. Clac ! Plus d’oiselet, ni de grelots. Dieu n’était pas content ! Il y avait là un vide, une imperfection, une imprécision. L’être nouveau avait un petit air inachevé ! Dieu se rappela la Bavarelle. Il la prit délicatement et en dota la femme. Il la pria d’en prendre soin, d’en faire bon usage, de la caresser souvent, compte tenu de l’affection qu’il avait pour elle. Depuis, la Bavarelle continue de baver quand on la caresse. Mais contrairement à l’escargot, sa corne, guère plus grosse qu’un bouton, ne se rétracte pas ! Avec l'aimable autorisation des Editions l'Harmattan. www.jeanclauderenoux.com |
Depuis sa mise en ligne vous avez été 799 visiteurs à consulter cette page Vos commentairesquelle imagination ! je trouve çà très joli... Maryvonne brun.maryvonne@wanadoo.fr Le samedi 26 Decembre 2004 Vos commentairesUne succession d'images sur la création du monde; le film se déroule jusqu'à son épilogue : la femme. Sans cornes ni grelots, ni oiselets, elle arrive... quand on a désire ! merci Adam, de ne pas nous avoir oubliées. Bravo Jean Claude Renoux, vous n'avez besoin d'être sauvé. Vos tripe vous porteront toujours. C. Bourdieu catherinebourdieu4@hotmail.com Le dimanche 27 Decembre 2004 Vos commentaires
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