Critiques Polar-Jazz - ALAIN GERBER


L’étrange destin de George General Grice Jr., dit Gigi Gryce.

ALAIN GERBER


L’étrange Destin De George General Grice Jr., Dit Gigi Gryce.

Aux éditions COLLECTION BIRDLAND, EDITIONS

333

Lectures depuis
Le samedi 11 Janvier 2009
 
 

Une lecture de
PAUL MAUGENDRE


Parmi tous les musiciens de jazz Gigi Gryce tient une place à part mais méconnue. Par son comportement altruiste, intègre, sa foi, sa recherche permanente de la musique. C’était un amoureux des notes, et sa quête résidait en la consécration non pas du jazz mais de ce qu’il définissait comme la musique classique afro-américaine. Sa mère n’acceptait pas la futilité et ne croyait qu’en une musique religieuse, servant à élever l’âme à l’église. Pourtant Gigi Gryce prendra des cours, théorie et pratique, avec les moyens du bord, ne se montrant pas élève doué mais pugnace. Il effectuera son service militaire dans la fanfare en 46 et se rendra à Paris au début des années 50. Il restera un semestre afin de se perfectionner auprès de Nadia Boulanger et d’Arthur Honegger. Mais ce sera un vieux musicien Antillais clarinettiste qui lui donnera une leçon de sagesse et d’humilité. De retour aux USA, le petit gars de Pensacola, Floride, jouera avec les grands, Stan Getz, Clifford Brown, Max Roach, Oscar Pettiford, Monk, Charlie Parker, Lionel Hampton et combien d’autres partenaires prestigieux. Mais surtout il composait sa musique et ses arrangements, ce qui lui valut bon nombre de déceptions, plusieurs fois spolié notamment pas Stan Getz. C’était un ardent défenseur de la propriété intellectuelle, créant une maison de production afin de protéger les intérêts des artistes. Ce qui était fort mal vu de la part des Majors. Sa conversion à l’Islam avait conforté Gigi Gryce dans son rejet de l’alcool et de la drogue alors justement les musiciens, la plupart du temps, préféraient se passer de royalties et se faire payer immédiatement, afin de subvenir à leurs besoins de plaisirs frelatés ou retirer du clou leurs instruments mis en gage.

Vrai faux roman, vraie fausse biographie, cet opus d’Alain Gerber ravira tous les amateurs de jazz. L’auteur absorbe le personnage, le vampirise, s’immerge dans son cœur et dans sa tête, le dissèque, et le duo ne fait plus qu’un. En réalité je soupçonne Alain Gerber de posséder des accointances avec des entités de l’au-delà. Et lorsqu’il se penche sur sa page blanche, un esprit malin se perche sur son épaule et lui souffle un torrent de phrases, d’anecdotes, de témoignages. L’univers d’Alain Gerber ne se compose pas de mots, mais de musique qu’il retranscrit avec bonheur et nous délivre avecforce et conviction.
PAUL MAUGENDRE




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