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Le Nouveau Dictionnaire Du JazzAux éditions COLLECTION BOUQUINS, EDITIONS ROBERT LAFFONT |
325Lectures depuisLe jeudi 1 Decembre 2011 |
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Une lecture de |
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sous la direction de Philippe Carles, André Clergeat et Jean-Louis Comolli Un dictionnaire est un objet vivant, qui ne demande qu’à prendre des forces, à s’enrichir, à s’épaissir, d’une façon irrémédiable, permanente et perpétuelle. De nouvelles entrées sont à enregistrer, des noms de nouveaux interprètes qui éclosent grâce à leur talent, des modifications à effectuer, car malheureusement à cause de leur âge des décès naturels sont à déplorer, mais aussi à cause des abus d’alcool et de drogues. Mais un tel dictionnaire ne peut être mis sur le marché tous les ans, les évolutions n’étant à prendre en considération se réduisant parfois à la marge. La dernière version du Dictionnaire du jazz date, déjà, de 1994, la précédente et première ayant été publiée en 1988. Il était donc nécessaire, et oserai-je l’écrire, indispensable, de procéder à une nouvelle édition, entièrement rénovée et remis à jour. Il est évident qu’un dictionnaire ne se lit pas comme un roman. Il faut d’abord l’apprivoiser et piocher au hasard, dédaigner peut-être les géants, les légendes, pour ne s’intéresser aux seconds couteaux. Mes premiers vinyles dédiés au jazz étaient des compilations de l’époque Nouvelle Orléans, sur lesquels figuraient des musiciens tels que Sidney Bechet, Barney Bigard, Albert Nicolas, Teddy Buckner et quelques autres sur lesquels je reviendrai. Sidney Bechet, je ne le connaissais que par cette rengaine que l’on entendait à tout bout de champ (de chant ?) à la radio : Petite Fleur. Ma culture jazzique n’était donc pas très développée. Mais mon oreille a gardé de ce style musical une préférence, une passion entretenue depuis et que je préfère encore aujourd’hui aux Free Jazz, Jazz Fusion et autres. Je sais, je ne vais pas me faire que des amis, mais mes goûts auditifs sont imposés par mes oreilles qui ne comprennent pas toujours toutes les formes musicales, qui sont heurtées même parfois. Aussi, et nous y revenons, longtemps j’ai cherché des références à Milton Mezz Mezzrow et Zutty Singleton. Ce dernier, batteur extrêmement puissant, ne possède pas l’aura de Max Roach, Elvin Jones, Roy Haines, Philly Jo Jones, Art Blakey, Kenny Clark, pour n’en citer quelques-uns. Mais Zutty Singleton m’avait impressionné sur un titre en solo : Drum Face et depuis il reste une des références dans mon univers personnel. Le cas Singleton étant épuisé, quoiqu’on puisse le développer à l’infini, penchons-nous sur celui de Milton Mezz Mezzrow découvert lui aussi sur ces plages vinyles. Dans les divers ouvrages que j’ai pu compulser, souvent son nom était associé à Sidney Bechet, et il me reste en mémoire la lecture de son livre La rage de vivre. Mais de notices explicatives point, ou peu, son nom étant indexé ici ou là lors de ses prestations en compagnie d’autres instrumentistes, dans des formations diverses. Et lorsqu’il m’est arrivé d’en parler incidemment avec d’autres amateurs de jazz, qui eux étaient beaucoup plus compétents que moi dans ce domaine, je n’ai eu droit qu’à des remarques tranchées sur son insignifiance, sa façon de jouer jugée nulle, des commisérations et des sourires méprisants. Pas à mon égard, enfin je crois, mais envers ce musicien. Pour une fois et grâce à ce dictionnaire j’ai pu assouvir mon envie de savoir. Et la notice qui lui est consacrée si elle n’est pas laudative, ne le rabaisse pas non plus, le plaçant à sa juste valeur comme un honnête musicien. Mais peut-être que Mezzrow fut déclassé parce que l’un des spécialistes du jazz, Hugues Panassié, le révérait alors qu’il mettait le be-bop au pilori. Terminons par le cas Zanini, dont tout le monde ou presque connait le nom grâce ou à cause d’une chanson : Tu veux ou tu veux pas ? C’est oublier toute sa longue carrière de clarinettiste inspirée par Benny Goodman, Lester Young et Ben Webster, qui fut lors de sa résidence aux Etats-Unis dans les années 50 correspondant pour Jazz Hot, et qui à bientôt quatre-vingt dix ans joue encore régulièrement au Petit Journal Saint-Michel à Paris. Evidemment, ces quelques exemples ne reflètent qu’une partie de mes goûts et les Puritains n’hésiteraient pas à me jeter au bûcher si celui-ci existait encore. Mais foin de ce genre de considérations qui n’engagent que moi. Ce dictionnaire est précieux pour tout amateur de jazz, dans les deux sens du terme, pour les profanes, les curieux, ceux qui n’y connaissent pas grand-chose mais sont avides de savoir, qui recherchent des renseignements sur tel ou tel musicien méconnu, oublié, passé au pilori, obscur, voué à jouer les seconds rôles, ou en devenir. Ainsi, je reviens à mes expériences personnelles, mais il me semble quelles illustrent bien ce que peuvent ressentir un grand nombre d’amoureux de la musique mais qui n’en connaissent pas forcément les fondements. Ainsi j’ai acquis récemment quelques CD qui étaient vendus dans une solderie. Etaient proposés pour un prix extrêmement modique des disques de Erskine Hawkins, Bobby Hackett et Donald Harrison. La lecture des notices proposées dans ce dico m’ont convaincu (grâce aussi à Pascal Anquetil) et je me suis procuré ces CD, ce que je ne regrette pas. Sans ce dictionnaire je serais peut-être passé à côté d’heures de plaisir musical. Ce dictionnaire offre plus de 3000 articles consacrés aux instrumentistes, musiciens, compositeurs, aux orchestres, aux producteurs, ainsi qu’aux différents styles musicaux qui font que le jazz est pluriel, aux définitions, termes et expressions… Se plonger dans un ouvrage d’une telle ampleur, auquel ont collaboré sous la houlette de Philippes Carles, André Clergeat et Jean-Louis Comoli plus de soixante pointures de la jazzosphère, journalistes, musiciens, professeurs, c’est passer des heures et des heures de découvertes, car sans s’en rendre compte, même si on désire ne lire qu’une notice, on se trouve entrainé dans un tourbillon de notices claires, simples, éducatives, et l’on tourne les pages comme si on tenait en main un roman à énigmes. Et quant on l’a refermé on s’aperçoit que l’on a oublié quelque chose, de rechercher un nom. Indispensable à tout amoureux de la musique, même si comme moi vous n’appréciez que certains genres, que vous préférez un style à un autre, il permet d’améliorer ses connaissances mais aussi de pouvoir étoffer sa propre discothèque sans naviguer au hasard et regretter par la suite certains achats compulsifs. Je pourrais en parler des heures et des heures, mais un petit tour chez votre libraire vous convaincra de l’utilité d’un tel dictionnaire. Le cadeau de Noël par excellence ! PAUL MAUGENDRE |