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CHRISTOPHE DELBROUCK |
Weather Report, Une Histoire Du Jazz électriqueAux éditions EDITIONS LE MOT ET LE RESTE |
395Lectures depuisLe mercredi 1 Decembre 2010 |
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Une lecture de |
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Comme pour la littérature policière, on ne peut pas tout connaître du jazz. Naïvement, et je pense ne pas être le seul, moi qui aime le jazz, de préférence celui d’avant les années 60, je croyais que le groupe Weather Report, qui a connu son heure de gloire entre les années 75 et 80, était composé dès ses débuts de Wayne Shorter au saxophone ténor ou soprano, de Joe Zawinul au piano, et de Jaco Pastorius à la basse. Plus quelques autres intervenants de passage. Je me trompais mais à ma décharge je dois avouer qu’à l’époque je me contentais d’écouter à la radio, par ci par là, connaissant le nom des groupes, rocks ou autres, mais pas forcément celui des musiciens qui les composaient, contrairement aux accros, purs et durs. Grâce à Christophe Delbrouck, j’ai pu non seulement réviser mon jugement mais enrichir mes connaissances. Le départ de cette aventure musicale se situe le 7 juillet 1932 à Vienne, en Autriche, avec la naissance de Joe Zawinul. Deux événements de taille marqueront son enfance : la mort de son frère jumeau Erich à l’âge de quatre ans. Et bien évidemment la guerre avec son lot de misères, la famine, la fuite de ses parents en Moravie, l’évacuation en 1944 du jeune Joseph dans la campagne tchèque afin de le mettre à l’abri des bombardements puis le retour à Vienne en 1945. Tout jeune Joseph baigne dans un univers musical. Son père mélomane est musicien amateur et sa mère est chanteuse à ses heures perdues. Pour ses six ans il reçoit l’accordéon de son grand-père et en 1939 ses parents l’inscrivent au conservatoire. Le violon ne l’intéresse guère, il préfère la clarinette et le piano. C’est à la fin des années 40 qu’il découvre dans les salles de cinéma le jazz. Sa vocation est née, qu’il ensemence en écoutant Fats Waller, Art Tatum puis Duke Ellington. A vingt ans Joe Zawinul effectue ses débuts dans des clubs locaux, dont le Hot Club de Vienne où il fait la connaissance du pianiste Friedrich Gulda. A vingt-deux ans c’est un musicien recherché et il fonde le Zawinul quintet tandis que Gulda rencontre le succès avec l’Austria All Star. Nous sommes en 1954 et en cette fin d’année Gulda part pour les USA. Mais Joe reste à Vienne, se morfondant, loupant parfois des occasions de jouer avec les plus grands de passage en Autriche. Wayne Shorter est né le 25 août 1933 dans un quartier résidentiel de la grande banlieue new-yorkaise, à Newark. Sa première relation avec la musique, il la doit à son père qui écoute « religieusement » au meuble radiophonique familial la musique religieuse dominicale puis de la musique western. Parfois l’émission quotidienne de Martin Block consacrée au jazz. Le petit Wayne, tout comme son grand-frère Alan de deux ans son aîné, est passionné par la lecture en cachette des Horror-comics, des bandes dessinées tolérées, consacrées aux aventures futuristes et fantastiques de super héros. Puis la télévision fait son apparition au foyer familial et les deux frères se délectent de films de série B, d’épouvante et de science-fiction. A la fin des années 40 Wayne joue de la clarinette tandis qu’Alan est trompettiste. Une vocation née lors d’un spectacle organisé par Norman Granz, le célèbre producteur, à Newark avec la participation de Lester Young et les frères Jacquet. Ce ne sont pas des autodidactes, car ils ont étudié le solfège et jouent le dimanche au temple maçonnique. La découverte du be-bop, et de Charlie Parker, marque profondément le jeune Wayne qui déclare « J’ai non seulement senti que Bird annonçait non seulement des changements dans la musique, mais aussi une révolution sociale ». Puis il fréquente assidument et régulièrement le Birdland. Dans un récit croisé entre les parcours singuliers de Zawinul et Shorter, les différentes formations auxquelles ils participent, les frères Adderley pour l’un, les Jazz Messengers pour l’autre, la fréquentation de géants comme Miles Davis, devenant fils spirituel de Coltrane, leur chemin musical en solo, leur rencontre, leur association, l’apport indéniable en 1976 de Jaco Pastorius qui électrisa le groupe Weather Report, qui existait depuis 1971, dans tous les sens, la création d’un courant absorbant musiques ethniques, rock, innovation technologique, l’emploi des premiers synthétiseurs, le duel musical avec Miles Davis dans les années 80, tout est passé en revue, et beaucoup plus. Récit ? Pas vraiment, car Christophe Delbrouck ne nous décrit pas cette aventure dans un langage, j’allais écrire verbiage, universitaire, mais comme un roman, simple, trépidant, lumineux, musical. Ce qui d’ailleurs ne m’étonne guère car dans les années 90, il avait publié aux éditions de La Loupiotte un mini-roman, Aventures à petit budget, qui était prometteur. Un ouvrage indispensable pour mieux comprendre, non seulement le parcours de ces musiciens dont seul Wayne Shorter est le survivant, mais également d’une musique, d’un groupe mythique, d’une époque, d’une passion. PAUL MAUGENDRE |