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JEAN-PAUL LEVET |
Talkin’ That Talk. Dictionnaire Anthologique & Encyclopédique; Le Langage Du Blues, Du Jazz Et Du RaAux éditions EDITIONS OUTRE MESURE |
345Lectures depuisLe jeudi 21 Octobre 2010 |
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Une lecture de |
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Préface de Michel Fabre, postface d’Alain Gerber. Nouvelle édition entièrement revue, corrigée et augmentée. La plupart des animateurs radios, et/ou journalistes musicaux improvisés, utilisent des mots, des expressions, d’origine américaine, pour présenter les morceaux, les interprètes, parfois avec un accent à couper les bandes magnétiques et rayer les disques. Mais en connaissent-ils l’origine, le sens profond, et en usent-ils à bon escient ? Par exemple j’en entends qui parlent de groove, qui n’en ont que pour le groove, et cela à propos de n’importe quoi. Bon d’accord, longtemps je me suis demandé ce que cela voulait dire et grâce à Jean-Paul Levet, je l’avoue, c’est le premier mot dont j’ai recherché la signification, je sais que derrière ce mot se cachent plusieurs sens, exemples à l’appui : littéralement Groove signifie sillon, fente, rayure et par extension devient plaisir, avoir du plaisir, jouir. « Mais, comme l’écrit Jean-Paul Levet, ce sens est rapidement occulté en étant adopté par les Blancs ; passé d’une communauté à l’autre à travers l’un des rares lieux d’échange, la musique, le terme prend son sens musical actuel et désigne une interprétation particulièrement swinguante. Rythme entrainant, funky ». Donc, si j’ai bien compris lorsque j’écoute du groove, ce n’est ni plus ni moins que du swing. Bon, d’accord, pourquoi pas. Les expressions changent lorsque la mode influe sur la musique et qu’il faut trouver un nouveau terme pour définir ce qui existe déjà. Mais funky, dans ce cas, qu’est-ce que c’est ? Je passerai rapidement sur les deux premières significations, qui valent tout de même leur pesant de notes, pour m’attacher à la troisième : Style de jazz sensuel, expressif, mêlant intimement le blues et la musique d’église, porteur du désir de s’affirmer, de valoriser la culture noire ; le style funky, apparu en même temps que la montée du mouvement pour les droits civiques a été popularisé entre autres par Art Blakey et Horace Silver ». Jean-Paul Levet cite Lucien Malson (autre spécialiste du jazz et à qui l’on doit Les Maîtres du jazz chez Buchet-Chastel en 2006) pour qui le style funk était une musique énergique, péremptoire, insoucieuse de la propreté bourgeoise, boueux, crotté piétinant sans honte les margouillis de la misère, mais simultanément soulful (plein d’âme) conscient d’une dignité qui fait fi des chichis puritains, et qu’on laisse électriser par l’espoir. Je ne suis pas bien sûr qu’aujourd’hui ceux qui utilisent ce mot pour décrire leur style musical en connaissent le véritable sens, ou du moins le sens originel. Et sur plus de 400 pages sont ainsi répertoriés tous ces mots, ces expressions musicales qui parfois nous sont totalement étrangères, mais également celles utilisées dans des textes de blues, de rap, qui bien souvent sont des déformations humoristiques, méprisantes, argotiques, loin de leurs véritables définitions sémantiques. Egalement sont déclinées des indications à des musiciens, chanteurs ou interprètes, et la source de leurs surnoms. Je pourrais aligner les exemples à la chaine, mais à quoi bon refaire ce que Jean-Paul Levet a si bien traité, et illustré de multiples références empruntées à des textes de chansons. Et comme dans tout bon dictionnaire qui se respecte, on pioche un mot et l’on se trouve entraîné dans un voyage musical que l’on pourrait prolonger à l’infini. Et comme dans tout ouvrage passionnant, on regrette de devoir le refermer, pour aller vaquer à autre chose, aller travailler, manifester, préparer à manger, que sais-je, mais l’on se promet de se replonger dedans dès que le temps nous le permettra, et même à l’occasion en le forçant ce temps, en négligeant d’autres priorités PAUL MAUGENDRE |