Il est fréquent que les héros des séries TV soient une transcription en images de personnages nés sous la plume d’un écrivain. Ainsi, Rizzoli et Isles, sont nées de l’imaginaire de Tess Gerritsen, auteur de thrillers médicaux à suspens. Ils ont d’ailleurs pris une place importante dans son œuvre puisqu’elle leur a consacré, entre 2007 et 2012, une série de dix romans.
Une question de format
Pour autant, ce passage au petit l’écran ne consiste pas à métamorphoser des mots en images, des phrases en découpages, des paragraphes en plans et les chapitres en scènes. En fait, un seul mot résume cette sublimation du mot à l’image : format.
Les personnages et l’intrigue doivent se couler dans un habit taillé sur des mesures génériques qui ne souffrent que des ajustements à la marge.
Règle 1
Chaque épisode est découpé en actes que séparent les écrans publicitaires (des écrans noirs en France ) et chacun de ces actes se termine par un cliffhanger, une mise en suspense
Règle 2
Chaque épisode s’ouvre sur un teaser (une mise en appétit du spectateur) puis vient le générique, toujours identique, et soutenu par une signature musicale ; durant les premières minutes apparaissent en surimpression les noms crédités au générique. Et l’épisode se termine par l’arrestation du coupable.
Dans le cas de cette série, le teaser est généralement dédié à la scène de meurtre. Quant au générique, il s’inspire d’« Amicalement votre » dans la mesure où il met en parallèle l’enfance des deux héroïnes. Le dénouement de chaque épisode constitue une sorte de signature visuelle : Rizzoli et Isles plaisantent et rient.
Règle 3
Ainsi, chaque épisode est bâti autour d’une intrigue principale ayant un début et une fin, ce qui rend indépendants les épisodes, et de plusieurs intrigues secondaires, qui constituent des arcs narratifs, séparés par des conclusions partielles, et courent d’un épisode à l’autre, d’une saison à l’autre.
Ces intrigues secondaires, qui inscrivent les personnages dans la durée sont de divers ordres, mais peuvent s’articuler autour de quatre axes :
1. Les histoires de la famille Rizzoli
• Le divorce des parents (fin de la saison 1) et omniprésence de la mère (saison 2).
• Les mésaventures du frère Frankie, qui tente de devenir commissaire.
• La libération du second frère Tommy, après une peine de prison pour avoir renversé un prêtre avec sa voiture.
2. Les histoires de la famille Isles
• Ses rapports distants avec ses parents adoptifs, une famille aisée et noble
• L’apparition de son père biologique, en la personne d’un tueur.
• La recherche de sa mère biologique
3. Les histoires de la famille de leurs collaborateurs
Celles de Vince Korsak
Celles de Barry Frost
4. La récurrence de certaines enquêtes
Comme celle qui concerne le tueur en série « Le Chirurgien » alias Charles Hoyt
Règle 4
Quant aux saisons, elles se conforment à la règle du Cliffanger qui veut que le dernier épisode contienne une mise en suspense.
• A la fin de la saison 1 nous ne sommes pas certains que Rizzoli survive à sa blessure
• A la fin de la saison 2 nous ne sommes pas certains qu’Isles pardonne à Rizzoli d’avoir abattu son père biologique.
Une question de couple
Cette grille de lecture s’applique à la quasi-totalité des séries made in USA. Ce n’est donc pas là qu’il convient de rechercher l’originalité de Rizzoli et Isles. Pas plus qu’il ne faut espérer la découvrir dans une tonalité particulière. Car ici comme ailleurs, si la mort est bien présente lors du teaser, l’atrocité de celle-ci est vite gommée par l’humour lorsqu’apparait le duo Jane Rizzoli / Maura Isles
En fait, l’originalité de cette série réside entièrement dans le duo peu commun que constituent ces deux femmes. Une solide et profonde amitié semble les lier alors qu’elles n’auraient rien en commun.
Rizzoli serait un garçon manqué, qui aurait du mal à assumer sa féminité.
Isles est toujours habillée comme une « gravure de mode »
Mais les situations sont tellement limpides (1), les regards tellement tendres, les gestes tellement complices, les répliques souvent explicites… et les Cliffanger de fin de saison exclusivement bâtis autour de la question du couple, que l’on ne peut que se demander :
La principale intrigue secondaire de Rizzoli et Isles sera-t-elle menée à terme ?
Rizzoli et Isles vont-elles s’avouer leur amour ? (2)
1- Dans la saison 2, Isles héberge la mère de Rizzoli. La situation est telle que l’on a l’impression que Jane Rizzoli et Maura Isles vivent ensemble.
2- Des séries comme « Amicalement votre » ou « Starsky et Hutch » mettaient, elles aussi, en scène l’homosexualité, mais de façon dissimulée. Et lorsque cela devenait trop explicite, le doublage s’occupait de gommer cet aspect.
L A
Le jeudi 4 Avril 2013 |
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