Production: Michael Balcon (Gainsborough), Erich Pommer (Emelka-G.B.A. 1925). Réalisation: Alfred Hitchcock. Scénario: Eliot Stannard, d'après le roman de Olivier Sandys. Directeur de la photographie: Baron Ventimiglia. Assistant-réalisateur et script-girl: Alma Reville. Studios: Emelka à Munich. Distribution: Wardour & F., 1925, 6 458 pieds, États-Unis, Aymon Indépendant, 1926. Interprétation: Virginia Valli (Patsy Brand, la danseuse), Carmelita Geraghty (Jill Cheyne), Miles Mander (Levett), John Stuart (Hugh Fielding), Frederic K. Martini, Florence Helminger, George Snell, C. Falkenburg. |
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Synopsis |
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Jill Cheyne espère devenir danseuse au Pleasure Garden. Mais arrivée à Londres elle s’aperçoit qu’elle a perdu la lettre d'introduction. Heureusement Patsy Brand, une danseuse du cabaret, lui offre l’hospitalité pour la nuit. Le lendemain, Jill qui n’a pas renoncé à son projet, rencontre le patron du Garden et obtient un engagement. Hugh le fiancé de Jill assiste à son triomphe avant de quitter l’Angleterre pour les tropiques. Mais qu’importe, Jill a obtenu ce qu’elle cherchait : la gloire, la vie facile et des admirateurs argentés… Pendant ce temps, Patsy épouse Levet un ami de Hugh avant de partir en voyage de noce au lac de Côme. Pour Patsy le bonheur semble à portée de main, mais il n’en est rien … et Levet s’envole, lui aussi pour les tropiques... où l’attend une femme… femme qu'il noiera dans une crise de folie avant d'essayer de tuer Patsy, qui, le sachant souffrant, était venue le rejoindre. |
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Des contraires |
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Ce film semble construit autour d’une configuration géométrique élémentaire : le parallélisme. Au couple de femmes, Jill et Patsy, répond le couple d'hommes Hugh et Levet : les deux femmes sont amies et danseuses; les deux hommes sont amis et travaillent pour la même compagnie. Mais le parallélisme s’arrête là. Car pour le reste, ils divergent fortement : Jill et Hugh sont des amoureux de longue date; Patsy et Levet vont devenir mari et femme. Certes, le premier baiser de Patsy et Levet fait écho au premier baiser de Jill et du prince Ivan, mais celui-ci n’est que le fruit du montage, tout comme la main de Patsy qui dit adieu à Levet n’est que l'écho esthétique de la main de l’indigène qui souhaite la bienvenue à ce même Levet. De la même manière, la main douce et tendre que pose Patsy sur le front enfiévré de Hugh n’est qu’une résonance esthétique de celle que pose Levet sur le front de l’indigène… juste avant de la noyer. Ce n’est donc pas autour du parallélisme que s’organise le film mais autour des contraires. Jill cherche fortune, alors que Patsy cherche l’amour. Hugh cherche l’amour, alors que Levet cherche la distraction. Et l’intrigue se noue autour de cette mauvaise distribution des couples : Hugh est amoureux de Jill; Patsy est amoureuse de Levet… au final Hugh trouvera le bonheur auprès de Patsy Histoire mille fois déclinée depuis 1925… et qui ne justifie pas à elle seule que l’on range ce film au rayon des chefs-d’œuvre. C’est ailleurs qu’il faut fouiller. En premier lieu, il convient de s’intéresser à l’étrange personnalité de Levet. Cet homme charmant, que nous découvrons à Londres, se révèle tout autre lorsqu’il revient aux colonies. Comment une telle transformation est-elle possible ? Comment peut-on être tour à tour un homme aimable et un salaud ? Peut-être en étant tout simplement un colon ? Mais l’aspect le plus intéressant de ce film est tout entier contenu dans les premières scènes, dans les scènes qui se déroulent au Cabaret. Hitchcock y déploie tout son art du regard. Les femmes dansent sous les regards concupiscents des hommes. Elles exhibent leurs jambes pour des yeux armés de jumelles. Il ne se passe pas un instant sans qu’un corps ne soit la proie du regard… Bien sûr, ce ne sont que des acteurs qui regardent des actrices, mais nous autres spectateurs que regardons-nous?… Hitchcock pousse déjà très loin l’art de la mise en abyme et se joue avec maestria du voyeurisme des spectateurs. De ce point de vue, la scène où les deux filles se déshabillent avant de se mettre au lit est un véritable chef d’œuvre : les habits volent, les rires fusent, les bas jonchent le sol… et la caméra passe de l’une à l’autre… |
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De la première fois... |
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Jusqu’en 1925 Alfred Hitchcock avait dessiné les titres des films puis assisté le réalisateur Graham Cutts. Avec The Pleasure Garden il signe son premier véritable film. « Michael Balcon m'a demandé . « Est-ce que vous aimeriez mettre en scène un film ? » J'ai répondu: « Je n'y avais jamais pensé. » Et c'était la vérité, j'étais très content d'écrire des scénarios et de faire le travail de l'« art director »,je ne m'imaginais pas du tout metteur en scène. » Et l’affaire ne sera pas de tout repos, si l’on en croit le témoignage qu’il en fait à Truffaut. Le 5 juin 1925 Hitchcock arrive à Munich où devait se dérouler le tournage. Presque aussitôt son assistante (et future femme) Alma Reville prend le train pour Cherbourg afin d’accueillir l’actrice américaine. Quant à lui, il prend la direction de l’Italie, où devaient être filmées certaines scènes ( le voyage de noces, le meurtre de l’indigène…). Et les incidents vont s’enchaîner : au dernier moment un acteur s’aperçoit qu’il a oublié sa trousse de maquillage; en cours de route l’équipe apprend qu’ils doivent dissimuler la caméra; la douane saisit la pellicule. « Je suis arrivé à Munich (après ce séjour en Italie) avec un seul pfennig en poche ! » résume Hitchcock. Malgré tous ces aléas, le tournage fut un succès et le film rencontra la critique… Mais il dut attendre plus d’un an pour que le financier qui contrôlait le studio accepte de le présenter au public ! |