Production: British International Pictures, 1928, G.B. Producteur: John Maxwell. Réalisation; Alfred Hitchcock, Scénario: A. Hitchcock, d'après la pièce de Eden Philpotts. Directeur de la photographie: Jack Cox Assistant-réalisateur: Frank Mills Montage: Alfred BooTh. Studios: Elstree Extérieurs: Pays de Galles. Distribution: Wardour & F, 67 minutes, France, Pathé Consortium Cinéma, 1928, Interprétation: Lillian Hall-Davies (Araminta Dench, la jeune servante), James Thomas (Samuel Sweetland), Maud Gill (Thirza Tapper), Gordon Harker (Cheirdles Ash), et Louise Pounds, Olga Slade, Antonia Brough. |
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Synopsis |
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Le fermier Samuel Sweetland, quelques années après avoir perdu sa femme, marie sa fille et se retrouve seul avec sa servante. Aussi décide-t-il de se marier à son tour. Son choix se porte sur un trio de vieilles filles, qui bien sûr vont le décevoir en se refusant à lui. Finalement l’amour triomphe et l’homme s’aperçoit que la femme idéale partagée sa vie depuis longtemps. Et il épouse sa servante. |
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Du théâtre |
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Le film est une adaptation de " The Farmer's Wife ", une pièce de théâtre de Eden Phillpotts qui connut un grand succès. N'est-il pas surprenant qu'en ces temps de cinéma muet, une grande part de la production cinématographique repose sur le théâtre ? Comment le cinéma muet pouvait-il restituer le texte théâtral ? Cette difficulté, il la résolvait par une surabondance d'intertitres et une gesticulation exagérée, chargés d'informer les spectateurs des répliques qu'échangeaient les acteurs. Le résultat était souvent laborieux et rarement inventif. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Le cinéma était-il considéré autrement que comme une forme filmée du théâtre ? En tournant " The Farmer's Wife ", Hitchcock s'émancipe de ce lien, il affirme le cinéma comme un art à part entière, c'est-à-dire doté d'un langage qui lui est propre. Cette rupture avec le théâtre ne s'exprime pas uniquement dans l'utilisation des décors naturels de la campagne galloise, mais aussi dans l'économie des intertitres, ce qui marque une distanciation avec le texte de la pièce. Elle se manifeste, aussi, dans le positionnement de la caméra qui quitte la position du spectateur pour la placer au côté des acteurs. Cette modification géographique induit dès lors un déplacement des acteurs qui n'est plus, comme au théâtre, latéral mais face à l'objectif. Mais le point nodal de cette rupture est dans l'utilisation de la caméra subjective. De ce point de vue, la scène qui suit les noces de la fille du fermier est un modèle du genre. Demeuré seul, le fermier plonge dans ses souvenirs avant de décider de se remarier et d'établir la liste de ses possibles futures femmes. Et La caméra de filmer ses pensées ! Un gros plan sur la photo des premières noces du fermier, nous indique que celui-ci sombre dans le souvenir. Le plan suivant cadre un fauteuil vide, comme la vie du fermier depuis le décès de son épouse et le départ de sa fille. Subitement autour de la table déserte surgissent les convives qui quelques instants plus tôt assistaient à la noce. L'image coïncide avec la pensée du fermier. Celui-ci convoque sa servante afin d'établir la liste de ses partis possibles. Le dialogue qui s'ensuit est certes muet mais n'a nul besoin d'intertitre ! Sur le fauteuil vide, qu'occupait probablement sa femme de son vivant, surgit la première des prétendantes. La caméra recadre le visage satisfait du fermier, la servante inscrit un nom sur une feuille. Et cet enchaînement de plans se succède jusqu'à ce que la feuille comporte trois noms. |
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Du langage |
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« La tendance à filmer des actions, des histoires, a commencé avec le développement des techniques propres au cinématographe et nous savons que le premier grand moment de ce développement a eu lieu lorsque D. W.Griffith a ôté la caméra de l'emplacement où la mettaient ses prédécesseurs, quelque part sur l'arc du proscenium(1), pour l'approcher le plus près possible des acteurs. Le deuxième grand moment a eu lieu lorsque Griffith, reprenant et perfectionnant les tentatives de l'Anglais G.A. Smith et de l'Américain Edwin S. Porter, a entrepris d'assembler les différents morceaux du film, les plans, pour en faire des séquences. C'était la découverte du rythme cinématographique par l'utilisation du montage. » Hitchcock C’est, en effet, deux grands moments de l’histoire du cinéma que la découverte du cadrage et l’invention du montage, car ils marquent sa rupture définitive avec le théâtre. La découverte du cadrage, c’est-à-dire, la recherche des plans les plus expressifs, n’était possible qu’avec le déplacement de la caméra. Celle-ci devait quitter le siège des spectateurs, l'arc du proscenium. Une fois cette rupture faite, le travelling, la prise de vue mobile... devenaient possibles. De même l’invention du montage supposait que l’on n’envisage plus une scène comme nécessairement continue. Les premiers montages consistèrent à l’introduction de cadrages distincts… mais la véritable discontinuité fut introduction, par Griffith, du montage en parallèle (2). Le troisième grand moment dans la définition d’un langage cinématographique fut l’invention par Eisenstein du montage idéologique (3) que l’on pourrait définir comme un montage en parallèle d’images ne participant pas à l’action. (1) Au théâtre, l'avant-scène ou proscenium est la partie de la scène qui est comprise entre la rampe et le cadre de scène (2) Dans « The Lonelade Operator » (1911) Griffith entrecoupe la scène où l’héroïne est sous la menace d’une agression par des plans sur un train où voyage le possible sauveur de l’héroïne. (3) Dans la « Grève » (1924) Eisenstein entrecoupe la scène où les ouvriers sont mitraillés par la police par des plans sur un abattoir. |