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Fantomas |
« Allongeant son ombre immense Sur le monde et sur Paris, Quel est ce spectre aux yeux gris Qui surgit dans le silence ? Fantômas, serait-ce toi Qui te dresse sur les toits ? » Robert Desnos, Complainte de Fantômas |
La naissance du criminel aux mille visages |
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En février 1911, les deux jeunes écrivains Pierre Souvestre et Marcel Allain apportent à leur éditeur un roman dont ils ont baptisé le héros Fantômus. Ce nom, ils le proposent à Monsieur Fayard en guise de titre de leur roman… mais Fayard se trompe et lit Fantômas… Ainsi nait le héros masqué qui allait sévir tout au long de 32 romans et qui dès sa première apparition régnait au-dessus de Paris en maître incontesté du crime. Jamais nous ne verrons son visage, jamais nous ne saurons discerner sa véritable identité parmi la multitude de celles qu’il revêtira. Et le vertige sans fond du « moi » sera total, puisque rien ne prouve que lui-même sache qui il est réellement. A l’heure où les premières rames du métro traversent la capitale, il disparait son forfait accompli, comme englouti dans la nuit par un tourbillon de vitesse. Et Monsieur Bertillon à beau dresser les fiches anthropométriques des Apaches ou des pierreuses, perfectionner les appareils photographiques ou recourir aux empreintes digitales, Fantômas court toujours, avec des gants en peau humaine… il demeurera aussi insaisissable que le vent jusqu’en 1913, jusqu’à la veille de la guerre, date à laquelle la peur, de fictive, revêtira les oripeaux d’un réel sanglant. |
31 romans en 31 mois |
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Le tirage du premier volume aurait dépassé le million d’exemplaires… Pour la suite des aventures de leur personnage, Pierre Souvestre et Marcel Allain font appel à la technologie de l’époque : ils utilisent le dictaphone. Dans un premier temps, ils esquissent ensemble les péripéties du nouvel épisode de Fantômas ensuite ils se repartissent les chapitres. Puis chacun travaille seul dans son appartement du même immeuble : Pierre commence ses chapitres par « néanmoins » et Marcel par « toutefois ». Leur dictée est gravée sur un rouleau de cire qui correspond à 16 pages, puis le soir ces rouleaux sont confiés à des dactylographes. Le lendemain les auteurs disposent de deux cents pages écrites. Et le premier du mois peut paraitre le nouveau fascicule des aventures de Fantômas, illustrée par Gino Starace. Au sujet de cette technique d’écriture, Freud écrit : « Après que le malade a raconté une première fois son histoire, nous l'engageons à s'abandonner entièrement à ses associations et à dire, sans restriction critique, ce qui lui vient à l'esprit ; c'est ainsi que deux auteurs français viennent de créer un personnage meurtrier, dont l'étude est tout à fait intéressante à mon sens.» Et le groupe surréaliste ne manquera pas de saluer cette technique d’écriture… |
Au cinéma. |
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Multidiffusées à la télévision, la trilogie Hunebellienne n’est absente d'aucuns esprit et chacun associe le nom de Fantômas au visage de caoutchouc gris d’un Jean Marais dédoublé et le commissaire Juve aux pitreries d’un De Funès égal à lui-même. Mais la rencontre de Fantômas et du cinéma ne se résume pas à ce rendez-vous assassin. C’est en avril 1913 qu’a eu lieu la première confrontation entre Fantômas et les spectateurs du cinématographe. La scène s’est déroulée au Gaumont Palace sous les auspices de Louis Feuillade. Et elle s’est reproduite à cinq occasions dans cette même salle, capable d’accueillir 6 000 spectateurs. |