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Je vous salue Sarajevo |
Retour à Jean-luc Godard |
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Quelques mots sur |
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La caméra de JLG, tels un microscope ou un scalpel, détaille ou dissèque une photo unique en 19 plans différents : en « vingt-quatre fois la vérité par seconde » dirait JLG lui-même, alors que Brian de Palma dirait peut-être en « vingt-quatre fois un mensonge par seconde ». Mensonge, vérité… antonymes qui renvoient au même réel, à la même complexité que l’œil ne perce qu’avec l’aide du cinéaste. Ce qui établit que « Le travelling est une affaire de morale » ou plus généralement, que le moindre mouvement de caméra est une affaire de morale, car c’est l’expression d’une volonté de dévoiler une vérité possible, c'est-à-dire le mensonge qui se terre dans le hors champ, dans le regard du photographe ou l’objectif du cinéaste. Alors quel est le hors champ de cette photographie ? Aucun, si l’on ne pose pas correctement la question. Car cette photographie a une double existence. Elle est d’abord photographie prise par un photographe dans une rue de Sarajevo : trois militaires arme à la main ; trois civils allongés sur le sol, mains sur la tête ; deux militaires observent les alentours, le troisième décroche un coup de pied à l’un des civils. Que se passait-il autour de cette scène ? Qu’est-il advenu avant et après que le photographe ait déclenché ? Et où était-il placé ? Mais cette photographie existe aussi comme objet du film de JLG. Et là, son hors champ est tout autre. Il est ce qui n’est dévoilé que quelques secondes avant la fin, c’est à dire elle-même. La photographie est son propre hors champ puisqu’au-delà n’existe que le néant de la table de travail du cinéaste que symbolise peut-être la fermeture de l’iris sur une autre image. A ces deux existences, il convient peut-être d’en ajouter une troisième, elle est aussi le support d’un son extradiégétique : la voix de JLG disant, sur une musique d’Arvo Pärt : « En un sens voyez-vous, la peur est tout de même la fille de Dieu… rachetée la nuit du Vendredi Saint. Elle n’est pas belle à voir, non, tantôt raillée, tantôt maudite, renoncé par tous et cependant, ne vous y trompez pas, elle est au chevet de chaque agonie, elle intercède pour l’homme, car il y a la règle et il y a l’exception, il y a la culture qui est de la règle, il y a l’exception qui est de l’art. Tous disent la règle : cigarette, ordinateur, télévision tourisme, guerre. Personne ne dit l’exception. Cela ne se dit pas, cela s’écrit : Flaubert, Dostoïevski. Cela se compose : Gershwin, Mozart Cela se peint : Cézanne, Vermeer Cela s'enregistre : Antonioni, Vigo Ou cela se vit et c’est alors l’art de vivre : Srebrenitsa, Mostar, Sarajevo Il est de la règle que vouloir la mort de l’exception, il sera donc de la règle de l'Europe de la Culture d’organiser la mort de l’art de vivre qui fleuri encore à nos pieds Quand il faudra fermer le livre, ce sera sans regretter rien J'ai vu tant de gens si mal vivre et tant de gens mourir si bien » |
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