|
|
|
195 lectures |
||||||||
Un film comme les autres |
Retour à Jean-luc Godard |
|||||||
Quelques mots sur |
||||||||
« Godard. — Suivant les cas et les pays, on aborde le cinéma de différentes manières. En France, on n'avait jamais réfléchi sur le cinéma. Un jour sont arrives des gens qui ont dit : il faut réfléchir, parce que le cinéma est quelque chose de sérieux. De même, il fallait dire que les œuvres existent. Je pense maintenant que les œuvres n'existent pas — c'est à quoi on arrive au terme d'une réflexion un peu plus profonde sur l'art. Une œuvre n'existe pas même si elle est enfermée dans une boite ou imprimées sur du papier, au même titre qu'un être ou qu'un objet. Il n'en reste pas moins qu'à l'époque c'était la première démarche à accomplir : faire prendre conscience aux gens de l'existence de l'œuvre, quitte à leur dire maintenant, justement, de pousser leur réflexion un plus loin. De même, je dirai qu'il n'y a pas d'auteur.-Mais pour que les gens comprennent dans quel sens on peut dire cela, il faut d'abord leur dire pendant cent ans qu'il y a des auteurs. Car la manière dont ils pensaient qu’il n'y avait pas d'auteur n’était pas la bonne. C'est une question de tactique. » Cahiers du Cinéma n°194, octobre 1967. La bataille idéologique, que mena l’équipe des « Cahiers du Cinéma » et à laquelle il participa activement, était l’affirmation de la prépondérance du metteur en scène, c'est-à-dire de l’auteur. Un film n’était pas le résultat d’un travail d’équipe, un film devenait un Hitchcock, un Renoir, un Lang, un Ray etc. Mais à partir de 68, JLG ne remet pas seulement en cause cette approche du cinéma d’un point de vue théorique, il rompt avec elle dans sa pratique, au point qu’il disparait dans un collectif (1) : Groupe Dziga Vertov. Ce film, « Un Film Comme Les Autres » (2), constitue l’un des aboutissements de cette nouvelle démarche. Abandonnant pour un temps les collages d’images qui se distancient de la bande-son, débordant de fragments musicaux et de citations, laissant pour un temps les collisions des mots et des scènes, JLG filme et monte dans la linéarité une discussion entre des étudiants, des ouvriers et des artistes (3) autour des seules questions d’actualités en juin 1968 : - Que faire ? en Octobre - Bilan et perspectives, du mouvement de mai. Il les filme sans jamais vraiment montrer leur visage, comme s’il souhaitait en les anonymisant les hisser au rang de généralité. Assis dans les herbes folles, non loin d’une cité que l’on devine de banlieue, les participants disparaissent parfois de l’écran au profit d’images en noir et blanc de Mai. Et lorsque la conversation s’enlise, ce sont des chants révolutionnaires qui se superposent ou des citations de leaders historiques (4) ou encore des rappels des luttes récentes (5). Comme pour « La Chinoise », il existe deux façons de voir ce film : une façon juste, le voir en 1968 ; une façon fausse, le voir en 2012. Et cette dernière ne peut qu’engendrer le sourire. Pourtant lorsque l’un des participants caractérise la situation politique d’insurrectionnelle, il ne fait qu’exprimer ce que beaucoup pensaient en Juin 1968. Et il n’en tire que des conséquences incontournables. Si la situation est insurrectionnelle alors il convient de déserter le monde étudiant, le monde de l’intelligencia, pour partir s’établir à l’usine (6)… pour être prêt lorsque viendra l’inévitable révolution. On sait aujourd’hui que cette analyse était fausse, voila pourquoi ce film n’est aujourd’hui visible qu’en tant que document historique. 1- Lors d’une interview par la télévision allemande, JLG demande au cameraman de ne pas faire de gros plan sur lui, mais des plans larges sur le groupe. 2- Ce titre indique bien évidemment tout le contraire de ce qu’il énonce. 3- On entend parfois la voix de JLG 4- Lénine, Mao Tsé-toung, Nikolaï Ivanovitch Boukharine, Guy Debord… 5- La grève de février-mars 1967 à l’usine Rodhiaceta de Besançon, mouvement étudiant à Nantes en 1967, la grève de Saint-Nazaire, etc. 6- « L'établi » de Robert Linhart. |
|