Production: British International Pictures, 1930. Producteur: John Maxwell. Réalisation: Alfred Hitchcock. Scénario: Alfred Hitchcock et Alma Reville, d'après la pièce de Sean O'Casey. Directeur de la photographie: Jack Cox, Décors: Norman Arnold. Montage: Emile de Ruelle. Studios: Elstree. Distribution: Wardour & F„ 1939, 85 minutes; Etats-Unis, British International par Capt Harold Auten, 1930. Interprétation: Sara Allgood (Juno), Edward Chapman (capitaine Boyle), Sidney Morgan (Joxer), Marie O'Neill (Mrs. Madigan), et John Laurie, Dennis Wyndham, John Longden, Kathleen O'Regan, Dave Morris, Fred Schwartz. |
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Synopsis |
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Pâques 1916 : le groupement nationaliste Sinn Fein lance un mouvement insurrectionnel qui se fixe comme objectif d'affranchir l'Irlande de la tutelle britannique. La répression, qui suit, est sanglante. Aux élections de 1918, les représentants de Sinn Fein sont élus en masse et s'érigent en Assemblée d'Irlande, boycottant Westminster. Dans la lancée, la branche armée du mouvement nationaliste, l'IRA, multiplie les embuscades, tandis que la population passe à l'insubordination. Une fois de plus, le gouvernement britannique choisit la manière forte. Mais très vite il doit jouer l'apaisement. Dans un premier temps Irlande est divisée en deux. Finalement, en décembre 1921, une des deux parties est déclarée indépendante. Un an plus tard naît l'état d'Irlande. C'est dans ce contexte que se situe l'action de Junon et le Paon (film adapté d'une pièce de O'¦Casey) La famille Boyle vit dans la misère. Junon, la mère de famille, une femme solide que son fainéant de mari n'impressionne pas, doit veiller sur son fils, qui a perdu un bras lors d'émeutes et sur sa fille autour de qui tournent les hommes. Un jour les Boyle apprennent qu'ils viennent de faire un héritage. La tête leur tourne… ils achètent meubles et habits… Mais le sort ne l'entend pas ainsi : l'héritage n'est qu'une illusion ; le fils se révèle être un mouchard que ses anciens camarades de combat exécutent ; quant à la fille elle tombe enceinte. |
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Du mouvement |
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Ce film est une adaptation très fidèle d’une pièce de théâtre de Sean O’Casey, dramaturge irlandais (30 mars 1880 - 18 septembre 1964). Il s’agit probablement d’une des premières expériences de théâtre filmé, genre auquel s’adonnera de nouveau Hitchcock, mais de façon plus inventive, avec « La corde » et « Le crime était presque parfait ». Ici le cinéaste « colle » au texte et suit au plus près la pièce (même s’il la condense quelque peu). L’apport d’Hitchcock se résume, certainement, aux quelques scènes d’extérieurs qui agrémentent le film. Et en particulier aux scènes d’ouverture. Un orateur harangue la foule, brusquement une fusillade éclate. L’orateur tombe sous les balles pendant que la ruelle se vide. (En contrepoint un chat grimpe à un lampadaire). La foule se presse aux portes d’un pub avant de se vautrer dans le débit de boisson. A croire que la peur donne soif. De l’attroupement émergent enfin John Boyle et son voisin Joxer. Les deux personnages regagnent leur immeuble et disparaissent dans le hall. La caméra les abandonne pour un travelling ascendant le long de la façade qui se termine sur la fenêtre des Boyle où s'encadre Junon. La caméra décroche et la scène reprend depuis l'intérieur de l’appartement. Ce mouvement de caméra, qui symbolise le trajet réel des deux hommes, ne permet pas seulement de passer des rues délabrées de Dublin à l’intérieur de l’appartement. Il ne constitue pas une simple transition entre deux décors mais, aussi et surtout, une rupture de focalisation. Au mouvement réel de la caméra correspond la modification du point de vue. Et le film se poursuit… Junon marmonne et se dissimule derrière une porte. La caméra se fixe sur elle, silencieuse et sévère. Les deux hommes entrent. Nous les entendons discuter, mais ils demeurent absents de l’image. Junon, toujours muette, s’avance vers eux. La camera passe derrière elle, les deux hommes, toujours aussi bavards, apparaissent dans le champ. Le plan dure quelques instants. Bien sûr, cette scène nous informe de la méfiance que nourrit Junon envers son mari, tout comme son apparition à la fenêtre, au terme du travelling ascendant, nous indiquait sa place dans le couple. Mais ne pourrait-on pas tenter une explication « plus » cinématographique ? Ne sommes-nous pas en présence d'une dislocation du cinéma ? D’un côté le son, de l’autre l’image. Comme si ces deux éléments étaient antinomiques. (Mais peut-être l’étaient-ils au début du parlant ?). Cette scène n’est-elle pas une sorte de mise en abyme ? Ne s'agit-il pas du cinéma muet et donc expressif qui écoute le cinéma parlant, (peut-être pour un dernier adieu ?) pendant que nous autres, spectateurs, regardons et écoutons (par dessus l’épaule de Junon) la synthèse de l’image et du son. |
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De l'adaptation |
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Hitchcock dira, en parlant de ce film, qu'il n'avait nullement envie de le tourner. Il admirait trop O'Casey et ne voyait pas ce qu'il pouvait « ajouter » à sa pièce. Au sujet des adaptations cinématographiques, il développe une conception qui peut se résumer ainsi : un cinéaste ne peut pas adapter un chef-œuvre littéraire ou théâtral (il cite le cas de « Crime et châtiment ») . Par définition, une œuvre n'est chef-œuvre que si elle a trouvé sa forme parfaite. Dans ces conditions, que peut apporter le cinéaste si ce n’est traduire les mots en images ? « Il faudrait, en remplaçant les paroles par le langage de la caméra, tourner un film de six heures ou de dix heures, sinon ce ne serait pas sérieux. » Alfred Hitchcock |