Production: Gaumont British, 1936. Producteurs: Michael Balcon et Ivor Montagu. Réalisation: Alfred Hitchcock. Scénario: Charles Bennett, d'après la pièce de Campbell Dixon adaptée du roman de Somerset Maugham, l. Ashenden ». Adaptation: Alma Reville. Dialogues: Ian Hay et Jesse Lasky junior. Directeur de la photographie: Bernard Knowles. Décors: Otto Werndorff et Albert Jullion. Costumes: J. Strasser. Musique: Louis Levy. Montage: Charles Frend. Studios: Lime Groves. Distribution: G.F.D., 1936, 83 minutes; Etats-Unis, G. B. Prod., 1936. Interprétation: Madeleine Carroll (Elsa Carrington), John Gielgud (Richard Ashenden), Peter Lorre (le général), Robert Young (Robert Marvin), et Percy Marmont, Florence Kahn, Lilli Palmer, Charles Carson, Michael Regrave. |
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Synopsis |
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Londres 1916. On rend un dernier hommage à Edgar Brodie, un écrivain mort… mais le cercueil est vide. Edgar Brodie est lui-même surpris d’apprendre sa mort de la bouche de « R » le chef des services secrets anglais. La raison en est simple, lui explique « R », il part pour la Suisse sous le nom de Richard Ashenden, en compagnie d'un tueur professionnel d'origine mexicaine, le "général". Là-bas il doit retrouver une jeune femme, Elsa Carrington, qui jouera le rôle de sa femme. Il trio doit démasquer et exécuter un espion allemand. Malheureusement, nos trois espions ne connaissent de leur cible qu’un bouton de manteau… Leurs soupçons se portent sur un touriste anglais, Mr Caypor, dont le pardessus correspond au signalement. Sûr de leur fait, le général élimine la cible… Et c’est à ce moment là que de Londres leur parvint un câble qui identifie le traître : il s’agit du séduisant Robert Marvin, un proche d'Elsa Carrington. Les quatre protagonistes se retrouvent dans le compartiment d’un train en partance pour Constantinople…Mais Elsa et Ashenden répugnent à remplir leur mission. Le général se chargera d’abattre Robert Marvin… |
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De la rupture |
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Au terme de la cérémonie funéraire, sur laquelle s’ouvre le film, l’hôte soulève, de son seul bras, le cercueil : il est vide. Le mort est absent car il n’y a pas de mort. Cette absence est bien plus qu’anecdotique, elle détermine l’esthétique des quarante premières minutes du film. Hitchcock déroule des images claires et des scènes plaisantes, la fantaisie est de mise : Madeleine Carroll apparaît à l’écran le visage couvert de crème; Peter Lorre -le tueur- ne semble s’intéresser qu’aux jupons et joue à faire peur. En fait, durant cette moitié de film, les protagonistes mènent grande vie dans un palace Suisse, aux pieds des Alpes, loin de la lutte clandestine et des actions sordides. Brusquement le ton du film bascule. Le « général » précipite dans le vide un touriste anglais que nos trois espions ont confondu avec l’agent double qu’ils doivent neutraliser. La mort envahit l’écran. La grande absente fait une irruption sordide… Et c’est autour d’elle que le réalisateur construit la dernière partie du film.Les images s’assombrissent, l’espionnage cesse d’être un jeu. Le questionnement moral s’impose à Elsa Carrington et à Richard Ashenden. Vont-ils devenir complices de ce meurtre? Pour Elsa, la réponse est sans appel. Au terme de son aventure initiatique, qui la conduit du paradis -le palace- à l’enfer-le train-, de l’inconscience à la conscience, elle renonce à sa carrière d’espionne et est rejointe, dans sa décision, par Richard. Cet antagonisme de tonalité est d’autant plus palpable qu’Hitchcock inaugure avec ce film deux archétypes de personnages : Monsieur « R » et le sympathique méchant. Qui est Monsieur « R » ? Le chef des services secrets, un homme imperturbable, grand ordonnateur et manipulateur, que les cas de conscience d’effleurent pas. Il annonce le capitaine Prescott (Les enchaînés) ou le professeur (La mort aux trousses) et connaîtra une descendance célèbre en la personne de « M ». Quand au sympathique méchant, il sera la clé de voute de la quasi filmographie à venir d'Hitchcock. Loin des personnages inquiétants qui peuplent « les 39 marches », « L’homme qui en savait trop » ou « Une femme disparaît », nous découvrons, avec Robert Marvin, l’ancêtre du jeune homme charmant et sympathique qui n’hésita pas à recevoir les parents de sa victime pour un dîner mondain. Avec « The Secret Agent » le mal devient séduisant, pendant que les forces du bien se couvrent de traits patibulaires -le général-… voilà qui ne peut que brouiller les cartes, diluer les frontières de la culpabilité, jusqu’à leur disparition avec Psychose |
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Du décor |
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Apres avoir émis quelques doutes sur son film Hitchcock révèle l’un de ses secrets de fabrication : « Un des aspects intéressants du film est qu’il se déroule en Suisse; alors je me suis dit : « Qu'est-ce qu'ils ont en Suisse! » Ils ont le chocolat au lait, ils ont les Alpes, ils ont les danseurs folkloriques, ils ont des lacs et je savais que je devais nourrir le film d'éléments qui appartiendraient tous à la Suisse.(…) Je procède toujours ainsi chaque fois qu'il est possible. Mais, en vérité, cela doit être davantage qu'un simple arrière-plan. Il faut essayer d'utiliser dramatiquement tous ces éléments locaux; on doit se servir des lacs pour noyer les gens et des Alpes pour les faire tomber dans les; crevasses » |