Production: British International Pictures, 1929, G.B. Producteur: John Maxwell Réalisation: Alfred Hitchcock. Scénario: A. Hitchcock, Benn W. Levy et Charles Bennett, d'après la pièce de Charles Bennett. Adaptation: A. Hitchcock. Dialogues: Benn W. Levy. Directeur de la photographie: Jack Cox, Décors: Wilfred C. Arnold et Norman Arnold. Musique: Campbell et Conney, complétée et arrangée par Hubert Bath et Henry Stafford, interprétée par le British Symphony Orchestra sous la direction de John Reynders Montage: Emvle de Ruelle, Studios: Elstree Distribution: Wardour & F, 1929, 1 136 pieds, États-Unis, Sono Art World Wide Pict, 1930, Interprétation: Anny Ondra (Alice White), Sara Allgood (Mrs. White), John Longden (Frank Webber, le détective), Charles Paton (Mr, White), Donald Calthrop (Tracy), Cyri1 Ritchard (l'artiste) et Harvey Braban, Hannah Jones, Phyllis Monkman. ex-détective sergent Bishop Qoan Barry doublait Anny Ondra dans la version parlante) |
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Synopsis |
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Alice White, fille d'un commerçant londonien, est fiancée à Frank Weber, un policier. Un soir, après une dispute, commencée au commissariat et poursuivie au restaurant, Alice refuse d'accompagner Frank au cinéma. Fâché, Frank aperçoit sa fiancée quitter le restaurant en compagnie d'un inconnu. L'homme est un peintre et lorsqu'Alice accepte de poser pour lui, il tente de la violer. Mais le hasard veut qu'Alice mette la main sur un couteau. Dans bagarre qui l'oppose à son violeur, Alice tue le peintre, efface ses traces et regagne son domicile. Le hasard fait que ce soit Frank qui soit chargé de l'enquête. Il reconnaît la victime et découvre un gant appartenant à sa fiancée. Alice serait donc hors de danger puisque Frank fait disparaître cet indice. Mais le hasard ne l'entend pas ainsi. Un certain Tracy, un individu louche, qui avait rendez-vous avec le peintre la nuit du meurtre, a compris qu'Alice est la meurtrière et décide de monnayer son silence. Tracy fait chanter Frank… puis ce sera au tour de Frank de faire chanter Tracy… |
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Du subjectif |
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Chantage est à la fois le dernier film muet d'Hitchcock et son premier film parlant. En effet, ce film fut tourné sous sa forme muette et c'est alors que le montage allait commencer que la British International Pictures décida d'en présenter une version parlante. D'un point de vue technique cette décision souleva de nombreux problèmes. Le film était terminé et ne pouvait pas être tourné de nouveau, mais il était impossible d'ajouter de la « voix » aux scènes. Une solution médiane fut adoptée : seulement certains plans furent repris. Mais une autre difficulté surgit : Anny Ondra, qui interprétait le rôle d'Alice, parlait un anglais avec un fort accent slave. Alors Hitchcock inventa le doublage avant l'heure. L'actrice mima le dialogue pendant qu'une autre actrice (Joan Barry) récitait le texte depuis une cabine. Avec l'arrivée du parlant, l'esthétique cinématographique cessait d'être uniquement visuelle. Hitchcock le comprit immédiatement et traita le son à l'identique de l'image. Dans nombre de films, Hitchcock fait appel à un procédé dit de caméra subjective. Le point de vue de la caméra est celui d'un personnage, de telle sorte que le spectateur partage la perception visuelle de celui-ci. . Ici, ce procède est utilisé, en particulier, lorsque après avoir poignardé l'artiste peintre, Alice s'enfuit et déambule dans les rues de Londres. Totalement hébète, elle ne peut pas remarquer la foule qui l'entoure. Hitchcock a recours à une superposition d'images pour réduire les passants à des ombres, pour nous les montrer tels que les voit Alice. Il en va du son comme de l'image : Hitchcock invente le son subjectif. Les sons correspondent à ceux qu'entend un personnage, de telle sorte que le spectateur partage la perception auditive de celui-ci. Cette technique est mise en oeuvre dans la scène du petit déjeuner. Une voisine, très bavarde, discute du meurtre du peintre. La camera se pose sur le visage d'Alice et les paroles de la femme deviennent confuses et vagues. De son propos n'émerge que le mot couteau, le seul mot qu'entend Alice. De façon similaire Hitchcock traite le tintement de la sonnette de la boutique des parents d'Alice. Celle-ci tinte et re-tinte jusqu'à ce que le maître chanteur ne franchisse la porte. A ce moment-là, la sonnerie est étrangement longue, comme pour mieux souligner le danger, comme pour signifier qu'il s'agit du glas. A la caméra subjective s’ajoute le son subjectif : le cinéma peut représenter finement la « psychologie » des personnages |
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Du procédé Shuftan |
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(…) il n'y avait pas assez de lumière pour filmer à l'intérieur du musée (British Museum), alors nous nous sommes servi du procédé Shuftan. On place un miroir sous un angle de quarante-cinq degrés, dans lequel se reflète une photo du décor du musée. Les photos ont été prises avec une exposition de trente minutes Nous avions neuf photos reproduisant des endroits différents et, comme elles étaient transparentes, nous pouvions les éclairer par derrière. Sur le miroir, nous grattions pour enlever l'argent à certains endroits correspondant à un élément de décor réellement construit sur le plateau par exemple un encadrement de porte afin de voir arriver un personnage. Alfred Hitchcock Cette technique de trucage avait été mise au point par Eugen Schüfftan lors du tournage de Metropolis par Fritz Lang et utilisée par Hitchcock pour ce film au cours des scènes, au décor grandiose, du Muséum. Mais les effets visuels de ce film ne sont pas tous aussi spectaculaires. Il en est d'autres, bien plus simples mais tout aussi efficaces. Par exemple, ceux qui utilisent les ombres, comme c’est le cas lorsque Alice décide de se dénoncer et qu’une ombre dessine autour de son cou la corde au bout de laquelle la société va la pendre; ou lorsque l’ombre d’un barreau affuble l’artiste d’une moustache (symbole cinématographique du voyou à cette époque-là). Inventif, créateur, sachant reprendre les techniques de son époque, Hitchcock a été tout cela, sans jamais réussir à être totalement maître de ses films. Il avait imaginé une autre fin que celle qui conclut ce film : « Le final que je souhaitais tourner était différent ; après la chasse au maître-chanteur, la fille aurait été arrêtée et le jeune garçon aurait été contraint de répéter avec elle tous les gestes de la première scène : menottes, identité judiciaire, etc. Il aurait retrouvé son collègue plus âgé au lavabo, et le collègue, ignorant l'histoire, lui aurait dit :'Vous sortez avec votre amie, ce soir?" Il aurait répondu :"Non, non, je rentre à la maison'; et c'eut été la fin Une fin qui ne manquait pas d'humour et qui, surtout, éclairait d’un jour différent le début de « Chantage ». Malheureusement les considérations commerciales et morales en ont décidé autrement. |