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LA FIN DU JOURUn film deJulien duvivieravecLouis Jouvet |
627 Lectures Depuis Le jeudi 4 Novembre 2016 |
L'abbaye de Saint-Jean-la-Rivière, qui accueille de vieux comédiens désargentés, voit arriver Saint-Clair, acteur de renom, ruiné à trop flamber auprès des dames. Il retrouve quelques-unes de ses conquêtes féminines dont il ne garde aucun souvenir, Marny, un obscur acteur rongé par l’aigreur et dont il avait séduit l’épouse ainsi que Cabrissade dont le seul fait marquant de sa carrière est d’avoir été la doublure de Lucien Guitry dans L'Aiglon, c'est-à-dire à ne jamais avoir endossé les habits de Séraphin Flambeau. Pour camper ces personnages de comédiens au talent incertain, Julien Duvivier (1) a fait appel aux plus grands acteurs de l’époque : Louis Jouvet (2), Victor Francen (3), Michel Simon (4). Faut-il s’étonner de ce choix qui maintient à distance les acteurs et les personnages qu’ils interprètent ? Et faut-il s’étonner que ce soit justement cette distance qui leur permet d’incarner leur personnage, c'est-à-dire de se dépouiller de leur individualité pour devenir Saint-Clair, Marny et Cabrissade ? Car finalement, et toute chose restant égale par ailleurs, c’est bien l’opposition entre individu et personne qui constitue le cœur du film. A l'abbaye de Saint-Jean-la-Rivière aucun pensionnaire ne retire le masque, celui qu’il arborait ou croyait arboré lorsqu’il était sur scène, et ce ne sont pas des individus qui se côtoient, mais des personnages. Saint-Clair s’imagine toujours séduisant, toujours à même de faire chavirer le coeur des femmes. Il le croit et veut le faire croire, au point de s’envoyer d’anciennes lettres de ses conquêtes féminines, au point de pousser une jeune serveuse simplette (Gabrielle Dorziat (5)) au suicide après lui avoir dicté une lettre d’adieu. Marny s’enferme dans une noblesse de façade et se donne en spectacle pour un jeune journaliste de passage. Quant à Cabrissade il arrache les applaudissements de ces vieux compagnons par une nuit où le vin coule à flots et où un vent soviétique décoiffe les têtes dégarnies. Chacun joue les rôles qu’il a rêvé de jouer et imagine la clameur qu’il aurait aimé provoquer, jusqu’au moment où tombe le rideau, où le directeur de l'abbaye annonce la fermeture de Saint-Jean-la-Rivière et distribue à chacun sa nouvelle « affectation ». Au milieu de ses êtres toujours un peu plus pitoyables, la caméra du réalisateur se glisse en douceurs, sans faire de bruit, et fixe cruellement la déchéance finale : Saint-Clair, à confondre individu et personnage, est interné ; Cabrissade, à se battre pour être enfin Séraphin Flambeau, perd son texte et meurt. 1- https://fr.wikipedia.org/wiki/Julien_Duvivier 2- https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Jouvet 3- https://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Francen 4- https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Simon 5- https://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_Ozeray
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