Lorsque les malfaiteurs persistent à échapper aux forces de l’ordre ou se font tout simplement discrets, les inspecteurs se tournent les pouces. Mais, bien contraints de rendre des comptes, il leur faut des malfaiteurs. N’importe lesquels après tout, même les plus minables ou les moins ambitieux, du moment que l’affaire donne un résultat.
Piccoli incarne ici cet inspecteur persuasif à la personnalité troublante qui, à partir d’un gang de petite envergure, va façonner détail après détail un plan diabolique. Quitte à stimuler un peu ses proies, leur souffler quelques idées et impliquer d’un peu trop près la douce catin (Romy Schneider) qui intègre la bande et fera l’intermédiaire – quitte à devenir lui-même un personnage de la machination et cesser pour un temps d’être un flic.
Du début à la fin, cet homme déroutant nous entraîne par son obstination dans les mailles d’un piège redoutable, soutenu par la relation singulière qui s’instaure entre les deux personnages principaux.
Et si le filet tendu possède en fin de compte une faille imprévue et fatale, en revanche la forme du film n’en révèle aucune. Un film noir, c’est indéniable ; un chef d’œuvre auquel contribuent aussi largement la photographie soignée, les dialogues et l’atmosphère énigmatique qui ne s’essouffle à aucun moment.

CYRIL HERRY