Leslie, une fillette de huit ans, aux longs cheveux blonds et aux grands yeux bleus, semble être kidnappée par deux hommes d’aspect débonnaires… elle se retrouve captive en compagnie de Donnie, un jeune garçon de son âge.
« Semble être kidnappée » car tout se déroule en douceur, sans violence ni cris, avec une tendresse feinte, voire une pointe d’humanité ! En d’autres termes, Leslie est violemment arraché à l’innocence de l’enfance, pour être immergé dans un univers de violence qui la détruira irrémédiablement.

Ce film construit autour d’analepses enfichées, glace d’effroi le spectateur, tant son immobilité envahit l’écran et enferme l’innocence de Leslie dans un monde de perversions. Aucun mouvement brusque ou stylisé de caméra, aucun traveling avant ou arrière, aucun cut libérateur, ne vient distraire le public. Leslie a été enlevée et sa vie est et sera l’emprisonnement, synonyme de déconstruction psychologique. Les plans fixes se succèdent comme pour mieux illustrer sa condition, comme pour rendre visible son enfermement dans un cadre immobile.
Et, lorsque se termine cette première partie du drame, lorsque nous retrouvons Leslie et Donnie adolescents, vivant d’expédients et de prostitution, la caméra les capte toujours aussi froidement, aussi statiquement, car s’ils ont trouvé un semblant de liberté de mouvement, ils n’en sont pas moins prisonniers de leur passé.

Au travers de ce film, Damian Harris a voulu témoigner au nom des 58.000 enfants enlevés chaque année par des inconnus aux Etats-Unis. Force est de constater que ce témoignage atteint sa cible, jusqu’au dénouement dont la crédibilité plonge le spectateur dans un désespoir sans fond.

L A