Coup de torchon de Bertrand Tavernier (1981) d'après Jim Thompson (1275 âmes, "Série Noire", Gallimard.)
Le film se déroule en Afrique, avant la Seconde Guerre mondiale. Le regardeur, qui connaît Tavernier, sait dès le début qu'il sera bousculé, que le réalisateur va lui en « foutre plein la tronche ». Et il le fait magistralement.
Le personnage central, Lucien Cordier (joué par Philippe Noiret), est un personnage de roman noir perdu en Afrique française, dans la lumière et les paysages épurés.
Il est flic officiel, un peu anar, et surtout paumé. Il est marié à Huguette (Stéphane Audran), entretient un vague amour avec Rose (Isabelle Huppert) et surveille les cadavres qui flottent sur la rivière à ses moments perdus... Car des hommes en mal de vie s'amusent à tirer dessus. Le décor est planté. Un décor dont cette configuration particulière reviendra à la fin du film.
Noiret donne ici son meilleur rôle (avant "Le Vieux fusil" de Robert Enrico). Sa "dérive" est à la fois touchante et poignante, car il passera du « faire plaisir » à la révolte larvée, puis aux meurtres par des moyens pervers. Lucien Cordier a réponse à tout. Il est capable de défendre une chose et son contraire dans les secondes qui suivent. Il est seul, fermé. Pathétique ? Oui, parfois. Et le regardeur retrouve alors le Noiret tel qu’il le connaît et tel qu’il l’apprécie : débonnaire, je-m’en-foutiste et généreux…
Tous les personnages de ce film sont des paumés (en Afrique, mais ils le seraient n'importe où).
Et le spectateur ressort épuisé, lessivé par la projection, et il retiendra peut-être la réplique (digne de Michel Audiard) de Jean-Pierre Marielle :
« Marcher, c'est fatigant, mais alors... Penser en marchant... »

JPP