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Blade RunnerUn film deRidley ScottavecHarrison Ford |
7194 Lectures Depuis Le dimanche 2 Avril 2012 |
Nous devons à Thomas More le terme utopie, du grec ou-topos, qui signifie en « aucun lieu » ou bien « lieu du bonheur », qu’il définit dans son essai politique et social, rédigé sur le mode du dialogue avec un narrateur, l'explorateur Raphaël Hythlodée, « Libellus vere aureus nec minus salutaris quam festivo de optimo statu rei publicae deque nova insula Utopia ». Le mot dystopie vient de l'anglais dystopia et s’oppose au précédent. Là où une utopie décrit un monde parfait, la dystopie décrit un « mauvais lieu » ou un « lieu néfaste ». Mais ils ont en commun le fait que l’un comme l’autre se référent à un projet politique conscient. « Blade Runner » serait à ranger au rayon des dystopies. Cela ne fait aucun doute si nous nous référons à son argument : La puissante « Tyrell Corporation » fabrique des « réplicants », des êtres génétiquement conçus et aux apparences humaines. Mais à la suite d’un soulèvement violent, ces êtres sont interdits de séjour sur terre et leur durée de vie réduite à quatre ans. En cas de transgression, les « Blade Runner » ont pour mission de les retirer, c'est-à-dire de les tuer. Le « Blade Runner », Rick Deckard, se voit confier pour mission de retirer quatre « réplicants ». Et c’est cette dernière phrase qui constitue le synopsis du film, tout ce qui la précède n’étant qu’un discours de pré-générique. Alors peut-on vraiment parler de dystopie à propos de ce film qui se résume à une chasse à l’homme, tel que nous en trouvons dans des centaines de films noirs, films dont il recycle la quasi-totalité des codes, que ce soient celui du détective ou celui de la femme fatale ? Oui, si nous oublions le scénario pour nous concentrer exclusivement sur les images et l’esthétique quasi post-apocalyptique qui s’en dégage. Inutile d’évoquer les plans d’ensemble du Los Angeles de 2019 ou les immenses panneaux publicitaires qui trouent la nuit perpétuelle dans laquelle est plongée la ville. Contentons-nous de souligner l’absence de lumière autrement que sous la forme de projecteurs ou au travers de stores, ainsi que le perpétuel plafonnage des plans d’intérieur ou l’éternelle pluie et le délabrement des bâtiments. Mais bien plus qu’une contre-utopie, « Blade Runner » s’apparente à une digression philosophique et religieuse, l’une n’allant pas sans l’autre étant donné le thème dont il est question : la mort. Car que veulent les « répliquants » ? Que leur créateur, leur Dieu, leur accorde la vie, puisqu’ils pensent et donc qu’ils sont. Et ils sont prêts à tout : à s’exhiber avec un serpent autour du cou ; à s’enfoncer des clous dans la main, à mourir comme un ange à qui on aurait coupé les ailes ou à projeter leur âme vers les cieux.
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