Léon Jean Malet naît le 7 mars 1909 à Montpellier. Dans les 3 ans qui suivent, la tuberculose emporte son père, son frère et sa mère. Ses grands parents maternels, les Refreger, le recueillent et l’élèvent. D’après ses dires, il doit son goût pour la lecture à son grand-père Omer, un ouvrier tonnelier, à l’esprit bohème, qui ressemblait à Lénine et à Poincaré.
Après le certificat d’étude, il rejoint l’école primaire supérieur Michelet, mais très vite il abandonne les études et entre dans la vie active. Tour à tour, commis calicot puis obscur employé de banque, il se tourne vers la chanson et publie un premier texte « Y’a des poires cher nous ».
C’est à ce moment là que l’histoire fait irruption dans sa vie.
Le 24 novembre 1923, le fils du royaliste Léon Daudet, alors qu’il venait de passer à l’anarchisme, est retrouvé mort dans un taxi parisien
(1). Léon Malet se passionne pour cette affaire et, c’est tout naturellement, qu’il se rapproche des milieux libertaires. En mai 1925, il rencontre André Colomer
(2) un dirigeant anarchiste, de passage à Montpellier pour une conférence traitant du thème « Deux monstres, Dieu et la Patrie, ravagent l'humanité ».
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En novembre de cette année, celui que tout le monde appelle Léo embarque pour Paris dans l’espoir de devenir chansonnier. André Colomer lui offre pour un temps le gîte avant de l’orienter vers le « Foyer Végétalien » de la rue de Tolbiac et de le recommander à Maurice Hallé directeur du cabaret « La vache enragée » et co-fondateur de la commune libre de
Montmartre (3). Engagé comme chansonnier le 25 novembre 1625 dans ce cabaret il connaît un certain succès « grâce à son accent ». Mais sa paye ne lui permet pas de faire face et il est contraint de travailler comme manœuvre de-ci de-là, de feindre les accidents du travail et de coucher sous les ponts
Arrêté pour vagabondage, il est emprisonné à la Petite Roquette avant d’être libéré grâce à l’intervention de son grand-père. Il s’embarque pour Mâcon
(4), rejoint Lyon puis Valence, Montpellier et revient enfin à Paris.
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Un soir de 1928, alors qu’il se produit dans un cabaret, Léo Malet est chahuté par une jeune fille, mécanographe à la société Maggi… Quelque temps plus tard, il se met en ménage avec Paulette Doucet et échappe ainsi à la cloche. Pour autant, ils ne se marient que le 16 avril 1940
Ensemble, ils fondent le « cabaret du poète pendu… qui tire la langue aux imbéciles »… mais le succès n’étant pas au rendez-vous, il ne la tire que le temps d’une saison. Et Léo Malet s’en vient à vendre des journaux à la criée.
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Au surréalisme et au trotskisme |
Une fois de plus, l’histoire frappe à sa porte.
Alors qu’il travaille pour la société Ménage et qu’il installe des bidets, il croise le surréalisme
(5). Aussitôt, il rédige quelques textes poétiques
(6). A son retour de Limoge, où il a été reformé par l’armée, il reçoit, le 12 mai 1931, une lettre d’André Breton, à qui il avait écrit, et qui le convoque à une réunion du groupe au café Cyrano place Blanche.
En mars 1932 il signe le manifeste « l’affaire Aragon devant l’opinion publique »
(7), rencontre Dali, se lie avec Magritte et invente quelques procédés de création comme le « décollage » ou « objet-miroirs ».
En mai 1936, il participe à l’exposition d’objets surréalistes. Il est aussi condamné en compagnie de Georges Bataille pour « cris dans un théâtre »
En 1938, à la demande de Marcel Duchamps, il expose un mannequin lors de l’Exposition Internationale du Surréalisme, qui sera retiré le soir même
(8).
Du surréalisme au trotskisme, il n’y a qu’un pas, que Malet franchit en adhérent au POI (parti ouvrier internationaliste), en hébergeant Rudolf Klement
(9), en dirigeant le bulletin de la FIARI, Fédération internationale de l’art révolutionnaire indépendant, fondé par Léon Trotski, André Breton et Diego Rivera.
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En 1939, espérant échapper aux tracasseries policières, il s’installe à Chatillon sous Bagneux, malheureusement en mai 40, il est conduit à la prison de Rennes pour atteinte à la sécurité de l’état. La chance veut qu’à l’entrée des troupes d’occupations les gardiens libèrent les prisonniers et voilà Léo sur la route de Paris. Arrêté de nouveau, mais par les allemands, il est expédié dans un stalag à Sandbostel. Heureusement, le médecin du camp, admirateur des surréalistes, obtient son rapatriement en France en mai 1941
De retour à Paris, il renoue avec les surréalistes du groupe « La main à la plume »
(10). Mais en 1942, il proteste contre le bombardement de Boulogne-Billancourt par la RAF. Paul Eluard le traite d’hitléro-trotskiste… Et la main à la plume adopte les positions de Malet! Eluard et Malet rompent tous liens à cette occasion
(11).
Mais cela n’empêche pas Léo de rompre avec le surréalisme. Polar et surréalisme lui semblent incompatibles. Or, en 1941 il a publié « Johnny Métal » à la demande de son ami Louis Chavance
(12) et « 120 rue de la gare » en 1943 à la demande d’Henri Fillipacchi
(13)
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1- Philippe Daudet (1909-1923) du fils de l'écrivain, journaliste et militant royaliste français Léon Daudet (et petit-fils de l'écrivain Alphonse Daudet)
Philippe Daudet, le 22 novembre 1923, confie à l’administrateur du Libertaire sa sympathie pour l'anarchisme et lui fait part de son intention de commettre un attentat contre Raymond Poincaré (président du Conseil), ou Alexandre Millerand (alors président de la République). Le lendemain, il reformule ses désirs d’assassinat politique à Le Flaouter, libraire anarchiste, pornographique et indicateur de police. Ce dernier tente de l'en dissuader, lui demande de revenir dans l'après-midi et prévient le Contrôleur Général Lannes, beau-frère de Poincarré, de la Sûreté Générale de ses intentions.
Le 24 novembre 1923, vers 16 heures Philippe Daudet est atteint d'une balle à la tête alors qu’il se déplacé en taxi. Il décède, à 14 ans, deux heures plus tard à hôpital Lariboisière (Wikipédia)
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2- André Colomer est né à Cerbère, élevé ensuite à Paris, il découvre à 12 ans l'idéal anarchiste au cours de la lecture des œuvres de Zola. En août 1922, il devient directeur de la Revue Anarchiste. Le 24 novembre 1923 a lieu l'affaire Philippe Daudet pour laquelle Colomer révélera plus tard que Le Flaoutter était un agent provocateur, indicateur de police. Suite à sa « thèse de l'assassinat » de Philippe Daudet, Colomer quitte le Libertaire pour créer l'hebdomadaire l’Insurgé. En 1927, il adopte les thèses du bolchevisme et adhère au PCF. Accueilli avec sa famille à Moscou, il meurt en 1931.-H-
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3- En 1920, le dessinateur Poulbot et quelques turlupins, dont Maurice Halle, propriétaire du cabaret La Vache enragée, proclamèrent ainsi la commune libre de Montmartre. Outre un noble désir de protéger petites gens et espaces verts de la spéculation immobilière, leur parti « antigrattecieliste » préconisait "la construction de trottoirs roulants pour se rendre d'un bistrot à l'autre"!-H-
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4- En fait, il monte à bord d’un train sans billet et est débarqué à Mâcon.-H-
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5- Il aurait acheté un numéro de la « Révolution Surréaliste » à la librairie José Coti alors qu’il se rendait sur un chantier afin d’installer du sanitaire.-H-
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6- « Le soliloque du poète pendu » parait dans le numéro de juillet de la « Revue anarchiste ».-H-
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7- En juillet 1931 l'édition française de la Littérature de la Révolution mondiale, organe de l'Union internationale des Ecrivains révolutionnaires (UIER) publie « Front Rouge », écrit par Aragon à Moscou (pour preuve de son ralliement à la 3 internationale). Aragon est poursuivi et inculpé en janvier 1932 pour « excitation de militaires à la désobéissance et provocation au meurtre ». Les surréalistes, sur l'initiative de Breton, lancent en défense d’Aragon une pétition qui recueille plus de trois cents signatures. La pétition se termine ainsi : « Nous nous élevons contre toute tentative d'interprétation d'un texte poétique à des fins judiciaires et réclamons la cessation immédiate des poursuites. ». Mais la défense de Breton contient des attaques voilées à l’encontre du PCF.
L’Humanité (10 mars 1932) y répond en ces termes :
« Notre camarade Aragon nous fait savoir qu'il est absolument étranger à la parution d'une brochure intitulée : Misère de la Poésie. L' " affaire Aragon " devant l'opinion publique, est signée André Breton. Il tient à signaler clairement qu'il désapprouve dans sa totalité le contenu de cette brochure et le bruit qu'elle peut faire de son nom, tout communiste devant condamner comme incompatible avec la lutte de classe et par conséquent comme objectivement contre-révolutionnaires, les attaques que contient cette brochure. »-H-
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8- Léo Malet avait agrémenté l’entre-jambes de son mannequin d’un aquarium avec un poison rouge… mais son « expulsion » résulte aussi du fait qu’un autre exposant (Max Ernst)
avait placé une lumière rouge en lieu et place du sexe.
Vue de l’Exposition internationale du surréalisme, la « Rue surréaliste ». De gauche à droite : le mannequin d’Oscar Domínguez, le mannequin de Léo Malet, et le mannequin de Marcel Jean. (Installation détruite.)
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9- 14 juillet 1938 : Rudolf Klement, secrétaire de la Ligue communiste Internationaliste, disparaît à Paris, assassiné par des tueurs du Guépéou : son corps sans tête est retrouvé le 24 août 1938 dans la Seine.-H-
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10- « La Main à plume » (1941-1944) est une publication collective et un groupe qui a maintenu actif le surréalisme sous l'Occupation, en l'absence d'André Breton et d'une grande partie des forces vives du mouvement. Le nom est tiré d'Une saison en enfer d'Arthur Rimbaud : « La main à plume vaut la main à charrue. » (Mauvais sang). Certains de ses membres ont pris part à la lutte armée, ce qui les a rapprochés du Parti Communiste.-H-
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11- Malgré tout Eluard lui adresse une lettre d’amitié lors de la parution du « Frère Lacenaire »-H-
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12- Louis Chavance est un scénariste, monteur et acteur français né le 24 décembre 1907 à Paris (France), décédé le 21 septembre 1979 à Paris.-H-
13- Henri Filipacchi, né à Smyrne (aujourd'hui Izmir, en Turquie) en 1900, et mort à Marnay (Haute-Saône) le 10 septembre 1961, était un éditeur français.
Il est à l’origine de la Bibliothèque de la Pléiade
Aux débuts de l'Occupation allemande, la Propaganda Staffel le charge de recenser les livres « susceptibles d'indisposer les autorités d'occupation » : il établit alors une liste de plus de mille ouvrages qui deviendra la « Liste Otto » le 28 septembre 1940.
A la libération La Commission d’épuration classe l'affaire. En 1953, il lance « Le Livre de Poche »-H-
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Omer Refreger
Léo Malet
Y’a des poires cher nous
Le 9 rue Louis Blanc, Paris 10e était en même temps l’adresse de la rédaction-administration du Libertaire et le siège de la Librairie sociale
Journal d'André Colomer
Léo Malet à La vache enragée
Cabaret du poète pendu...
Définition du décollage
Objet-miroirs
Carte de crieur de journaux
Exposition Internationale du Surréalisme
Tract rédigé par Léo Malet et signé par le groupe
Journal du POI
Robert Rius (au centre, avec la cigarette) lors d'une réunion de la revue "La Main à Plume"
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