Chester Himes voit le jour, le 29 juillet 1909, à Jefferson City, dans le Missouri, mais c'est dans l'Ohio qu'il entra à l'université (1926),ce qui était rarissime pour un Noir dans les années 20. Très vite un problème se posa: comment financer ses études ? Il tenta de le résoudre en exerçant divers petits boulots ( barman, liftier...). Malheureusement, il fait une chute dans une cage d'ascenseur vide -ce qui l'obligera à porter un corset tout au long de sa vie- La fréquentation des voyous l'amena à participer à un cambriolage... arrêté, il fut condamné avec sursis. La récidive l'expédia en prison pour une vingtaine d'années (1928).
Il découvre Dashiell Hammett, Raymond Chandler et Fédor Dostoïevski...
"J'ai commencé à écrire en prison. C'était une sorte d'évasion, une façon d'échapper au monde dans lequel je vivais"(1)
Sa bonne conduite et ses activités littéraires lui valurent une remise de peine. Emprisonné en pleine période de prospérité économique, il ressortit du pénitencier sept ans plus tard, au beau milieu de la crise.
La vie, qui n'était déjà pas simple pour un travailleur blanc, fut franchement exécrable pour lui, ex-détenu noir.
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Son premier roman, "S'il braille, lâche le ! " qui sortit en 1945 connut un succès critique mitigé. Par contre, avec son second livre "La Croisade de Lee Gordon", sa vie prendra une nouvelle orientation.
"Je m'efforçai de décrire la peur toujours présente dans l'esprit de tous les Noirs des États-Unis et les divers effets sur cette crainte, du communisme, de l'industrialisation, de la guerre, des femmes blanches et des mariages entre noirs. Ce n'était pas un projet irréalisable puisque telle était notre existence quotidienne durant la guerre"(1)
Comme il n'épargnait personne, il souleva un tir continu de haine "Je devais dédicacer mon roman (.) à New York et être interviewé par la radio. A la dernière minute, tout a été décommandé "(1)
N’ignorant rien de l’accueil chaleureux qui était réservé à ses romans en France, il décida de quitter l’Amérique
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L'Europe : La Fin d'un Primitif |
En 1953, il débarqua en Europe et y rencontra une jeune Américaine blanche avec laquelle il vécut pendant un an. De cette liaison orageuse, il tira "La Fin d'un Primitif", ouvrage cauchemardesque qui met aux prises « Une Américaine blanche sexuellement frustrée et un noir américain racialement frustré". L'action de ce roman se déroule dans un appartement et ne dure que l'espace d'un week-end. Deux journées au cours desquelles l'homme et la femme, tributaires des rapports sociaux, s'affrontent dans une macabre danse d'amour, se servant l'un de l'autre pour assouvir leur besoin de domination, et cela jusqu'à l'explosion de haine finale. |
Quelque temps plus tard, après de multiples tribulations à travers l'Europe, l'alcool et la misère, Chester Himes rencontra Marcel Duhamel, directeur de la Série Noire. Celui-ci, qui connaissait Himes, pour l'avoir traduit, lui conseilla de se lancer dans le genre policier. Himes refusa, lui qui s'était consacré, au travers de ses livres, à dénoncer le racisme, allant jusqu'à dire "Les variétés du racisme (.) ont produit en moi l'illusion paranoïaque d'avoir été créé uniquement pour que l'on puisse m'humilier"(1), n'accepta pas immédiatement cette proposition. Mais poussé par la faim, il finit par s'y résoudre.
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Ed Cercueil et de Fossoyeur Jones |
Et c'est "La Reine des Pommes" petit joyau du genre policier qui obtint le grand prix de littérature policière en 58 et qui fut salué comme un écrit majeur des écrivains tels que Giono, Cocteau, Sartre...!
Pour ce polar, et les suivants, Chester Himes choisit comme décor Harlem. Et, peut être mieux que tout autre, il sut rendre palpable, grâce à des mots simples, la misère dans laquelle étaient plongés les milliers de noirs qui vivaient dans ce quartier
"() une dense population noire se convulse dans une frénésie de vivre, à l'image d'un banc grouillant de poissons carnassiers qui, parfois, dans leur voracité aveugle, dévorent leurs propres entrailles. On plonge la main dans ce remous et on en retire un moignon. C'est Harlem. Des immeubles surpeuplés y dressent leur misère hideuse, les rats et les cafards y disputent aux chiens faméliques et aux chats efflanqués les os rongés par l'homme "(2) |
Après ce premier polar, Himes récidiva, et, prenant toujours (à une exception près) les deux détectives comme héros, il écrivit d'autres polars qui sont autant de dénonciation du racisme et des rapports de violence qu'il suppose, ainsi que des "moyens d'évasion" qui s'offrent aux Noirs. "Harlem est autant une cité d'églises qu'une le cité de bars. Les églises de Harlem ne sont jamais hors de vue de ses bars".
Avec de tels préoccupations, Himes ne pouvait que s’intéresser aux "Black Panthers", devenir de plus en plus "politique" et évoquer l'idée d'un retour sur la terre ancestrale, en Afrique.
« Le jeune Révérend Deke O'Malley avait pendant des mois, dans son église, du haut de sa chaire, dénoncé en termes enflammés l'injustice et l'hypocrisie des blancs, il avait pendant des mois exalté la sainte contrée africaine, mais voilà qu'enfin il passait de la parole à l'action ! Ce soir là, en effet, il prenait les inscriptions des candidats pour le retour en Afrique à bord de ses trois bateaux. » Retour en Afrique (1964)
Malade, Chester Himes, s'était retiré, avec son épouse,à Alicante d'où il n'a jamais cessé de dénoncer l’Amérique raciste . Il est mort le lundi 12 novembre 1984.
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S'il braille lâche-le...
La croisade de Lee Gordon
Qu'on lui jette la première pierre
La troisième génération
La fin d'un primitif
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La reine des pommes
Il pleut des coups durs
Tout pour plaire
Couché dans le pain
Imbroglio negro
Ne nous énervons pas!
Retour en Afrique
Plan B
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Mamie Mason
Une affaire de viol
Regrets sans repentir
Le manteau de rêve
Faut être nègre pour faire ça
Un joli coup de lune
Une messe en prison
Le paradis des côtes de porc
Hier te fera pleurer |
(1)HARD-BOILED DICKS n°8-9
(2)La reine des pommes
HARD-BOILED DICKS est lisible en ligne sur le site de roger Martin
http://perso.wanadoo.fr/roger.martin.ecrivain/Hbd/
on peut lire un Interview de Himes en ligne à l'adresse
http://www.col.fr/arche/article.php3?id_article=223 |
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