Articles de l a


Jean-Claude Claeys

Le Géant - Michel Lebrun

Par l a

5475
Lectures depuis
Le lundi 17 Octobre 2005

Imprimer

Depuis que le polar a fait son entrée dans le monde des belles-lettres, tout le monde a lu ou feint de lire Hammet, Chandler, Goodis...

De moins grande renommée, Michel Lebrun ne dépareille pas en compagnie des plus grands.


Après des études qu'aucun diplôme ne vint sanctionner, il connut la galère des petits métiers. Pendant cette période, il s'essaya dans la caricature humoristique, tentative que Pierre Dac, tout en lui prenant quelques dessins, qualifia de vaine, lui conseillant de faire autre chose.
A son retour du régiment, n'ayant pu percer dans le monde de la caricature, se trouvant certainement fort démuni, il devint tour à tour, guide au Musée Grévin, représentant de commerce et rédacteur en chef de la célébrissime revue de cinéma : CINEMISME -un seul numéro diffusé. Finalement, il acheva sa longue marche au bar d'un café comme gérant.

Mais la chance finit par lui faire signe.

Il tomba sur une petite annonce : «Editeur cherche Romans Policiers», suivait un numéro de téléphone, hors service depuis fort longtemps maintenant-. Sans plus attendre, il décrocha son appareil et contacta ce mystérieux éditeur. «60000 Francs, lui dit celui-ci. OK, riposta Lebrun». II se mit au travail. Mais l'éditeur fit faillite avant la publication du roman; et ce ne fut que parce que Michel Lebrun avait eu la prudence de conserver un deuxième exemplaire de son manuscrit qu'il put le proposer à d'autres

Dans ces années-là, les années 50, le genre le plus prisé; genre auquel beaucoup d'auteurs se reconvertirent, était l'espionnage. Il n'en fera jamais sa spécialité. En 1967, dans Adieu les Espions, il semblait résumer ses idées sur le genre.
Idées, qu’il explicita dans un entretien publié par Enigmatika : «Je n’aime pas beaucoup le roman d'espionnage. Je trouve que c'est une forme bâtarde du roman d’aventures. L’idéologie du roman d'espionnage m'enquiquinait. A l'époque c'était la guerre froide. Les Américains étaient les braves types et les Russes les salauds. Malgré toi, tu étais obligé de fonder tes intrigues sur ce manichéisme. Par la suite, ça a changé. Si tu prends l’œuvre complète de mes confrères spécialisés dans l'espionnage, tu constateras des retournements de veste spectaculaires» (n°23 février 1983).

Une deuxième raison détourne l’auteur de l'espionnage, son refus de se lancer dans une longue série mettant en scène toujours le même personnage. Cette volonté de ne pas s'enfermer est, certes, remise en cause dans 2 ou 3 romans. Cependant, ce parti pris revient en force et l'humour corrosif de l'auteur vient vite le confirmer. Le héros de série ne fait jamais long feu. Ainsi, le flic de Pleins feux sur Sylvie (pour lequel il obtint en 1956 le prix de Littérature Policière) se voit-il affubler dans Le Géant d'un cancer du fumeur.

Refus de la série, refus de l'espionnage. Ces deux choix se conjuguent dans une succession de romans noirs, romans d’énigmes et romans humoristiques, des plus réjouissants.
Cette démarche, peu commune, se trouve fondée sur une conception de la littérature policière comme faisant partie de la littérature populaire. Ceci amène l'auteur à privilégier la construction de l'histoire à toute fioriture stylistique. Pour lui. A trop vouloir bien faire «on perd le fil de l'intrigue» et «l'effet du roman policier est perdu». Sa devise résume mieux que tout discours sa conception : «Vite lu, vite écrit»

L'Auvergnat, petit livre qui a lui seul justifie de ranger Lebrun parmi les plus grands, écrit en 1965, fournit la preuve de l’immense talent de l'auteur et ouvre la voie à ce qui plus tard, deviendra le néo-polar.
Jean Capdevielle , de retour d'une soirée, entre collègues, trouve un court message de sa femme lui annonçant qu'elle passe la nuit chez une amie. Ce pauvre homme, seulement vêtu de son pyjama et d'une gabardine, sort promener son chien . Mais la malchance lui sourit, il se retrouve enfermé au-dehors et est obligé de dériver dans les rues parisiennes entre 23h et 5h du matin une veille de 1° mai. Et ses pas croiseront des destins hétéroclites, des drames disparates et minables.

"La soirée avait pourtant bien commencé, par l'annonce de sa promotion à l'agence... Et ensuite... Il aimerait mieux n'y pas penser mais, malgré lui, il revoit les plus infimes épisodes de cette nuit maudite. Bernadette absente. «Promène le chien.» La clé oubliée. L'interminable traversée de Paris, les rencontres inquiétantes ou seulement insolites. La fausse prostituée... Sans parler de la découverte de la trahison de Bernadette et de la fille en imperméable blanc que le collègue avait bien failli écraser vers la gare Montparnasse…

(…)

- J'arrive rue de Verneuil, je la prends sur la gauche. A dix mètres, j'aperçois un type qui en pousse un autre dans une voiture. L'autre semble malade ou saoul. Bien. Là-dessus, je me rends compte que je me suis trompé d'itinéraire. Toutes les rues se ressemblent dans ce quartier. Je ne suis pas rue de Verneuil mais rue de Lille. Comme je suis encore au coin, je rebrousse chemin... Et cet imbécile de Miki qui commence à grogner, j'ignore pourquoi. Je marche tranquillement, j'entends une voiture derrière moi. Je m'apprête à monter sur le trottoir... Et l'autre me fonce dessus, comme s'il voulait m'écraser. Un dingue !"


Et que dire de L'envoûteur est dans l'escalier ?

Dans cet ouvrage, où il est question de vengeance, où l'arme du crime n'est autre qu'une poupée de cire bardée d'aiguilles, et où l'assassin a pour homme de main Satan, venu de l'enfer pour la circonstance. Michel Lebrun nous entraîne dans la France de profundis, dans la France des superstitions et de la sorcellerie.
Parallèlement à sa grande production livresque, M. Lebrun collabore à des titres divers, et en particulier comme scénariste, à des séries de télévision et de radio, dont la plus célèbre fut «Les cinq dernières minutes». Sa boulimie créative ne s'arrête pas là : il traduit à tour de bras des auteurs tels que Woody Allen, James Cain, John Sheridan, Groucho Marx… ; publie une multitude d’études sur ce septième art...

Entre 1979 et 1988, il se consacra à une idée qui lui tient à cœur : la rédaction d'un dictionnaire des auteurs. Cette gigantesque entreprise prit la forme d'un «Almanach du Crime» (de 1980 à1984) puis d’une «Année du polar» (de 1985 à1988). Dans ces petits livres saints du polar, des rubriques aussi cocasses que la gastronomie criminelle, la poésie policière, l'anthologie des bévues, se bousculaient de page en page. Lebrun y ébauchait le début d'une histoire du polar, y dressait un portrait-robot de divers auteurs, une fiche signalétique des héros. Et le tout avec une bonne humeur revigorante, chaleureuse et parfois insolite.

Parallèlement, il participa à la fondation de la revue Polar et de l’association «813» dont il devint le président de 1989 à 1992.


Cet auteur au talent immense, «qui sacrifia une partie de son temps, et donc de son œuvre, pour se faire l’avocat, puis l’ambassadeur du roman policier» (Michel Lebrun Alfred Eibel) nous a quitté en juin 1996.


Bibliographie - Romans

Alias un tel
Pleins feux sur Sylvie
Expérience Midway
Faux numéros
Un silence de mort
Prenez garde aux flots bleus
Candidat au suicide
Catch à quatre
L'hypothèse exclue
Malin et demi
Véronal
La veuve
La caravane passe
Un soleil de plomb
Permission de détente
Pousse au crime
La tête du client
La mort dans ses bagages
Les cartes truquées
À l'américaine
Portrait-robot
Dans un jeu de quilles
Quelqu'un derrière la porte
De quoi vous mêle;-vous
Dans mon joli pavillon
Le rescapé
Forfait au mariage
La proie du feu
Noirs dess(e)ins
Attention au barracuda
Au tapis
La peau du serpent
Adieu les idoles
Plus mort que vif
L,e délégué du syndicat
L'auvergnat
Adieu les espions
Hollywood confidentiel
Le grand voyageur
le voyageur passe la ligne
Un revolver c'est comme un portefeuille
Ies ogres
Comme des fous
Sex-Voto
Autoroute
Le géant
En attendant l'êté
La monnaie de la pièce
l.'O.P..4. de 4 .sous
Loubard et Pécuchet
L’envoûteur est dans l’escalier
Les rendez vous de Canne
Souvenir de Florence
Rue de la soif


Bibliographie - Romans sous Pseudonymes

PIERRE ANDUZE
Tue-moi chéri!

LOU BLANC
Érotix (Roman gaulois)

OLIVER KLNG
La reine du strip-tease Écrit

MICHEL LECLER
Mission en enfer
Le messager de Shanghai
Terreur à Tunis
Virus B 29
Plutonium 239
Crime à tout acheteur
Equipe de choc
Opération Christmas
Gallan l'implacable
ShockinK, Madame!
Trois mille suspects
Document X
Compromissions
Course à la mort

MICHEL LENOIR
Caveau de famille
Traquée par l’amour
Retour incertain
Visage à vendre
Brigade spéciale
Reproduction interdite

LAURENCE NELSON
Velvet

Ouvrages sur l'auteur

Polar n°19
Polar (HS)
813 n°57
Michel Lebrun Alfred Eibel -Hors Noir-


Michel Lebrun d' Alfred Eibel - 4 de Couverture-

Ce livre est une traversée de Paris et du polar entre 1956 et 1996, date de la mort de Michel Lebrun. Le lecteur y croise les témoignages de Tonino Benacquista, MauriceBernard Endrèbe, François Guérif, Fred Kassak, Claude et Pierre-Alain Mesplède, Jean-Hugues Oppel, JeanBernard Pouy, Patrick Raynal, René Réouven, Jean-Paul Schweighaeuser, Pierre Siniac, Jean-Louis Touchant, Marc Villard, d'autres complices et bon nombre de figurants.
La vie de Michel Lebrun est inséparable de la vie de Paris et de la côte d'Azur. Vagabondages nocturnes, nostalgie des vieux quartiers, visites des bars, des bistrots, des restaus.
Lebrun et l'amitié, Lebrun et (e cinéma, Lebrun et le jazz, Lebrun et la littérature noire, Lebrun et la gastronomie font partie de sa géographie personnelle.
Une vie bien remplie pour celui qu'on avait surnommé "le Pape du polar" et qui déclarait : "Si ma vie était à refaire, je n'en changerais pas une virgule."


Alfred Eibel, journaliste, éditeur, ancien collaborateur du Quotidien de Paris et de la revue Polar, est aujourd'hui critique littéraire à Valeurs Actuelles, au Figaro Magazine et au Matricule des Anges, ainsi qu'à La Tête en Noir.



Pour être informé des Mises à Jour, Abonnez-vous à l'Hebdo du RayonPolar
Indiquez votre Mail

Les réclames du RayonPolar

Pour votre publicité, contactez le site

Pub sur RayonPolar

Sur les 32200 pages du Site
chiffres Google Le jeudi 3 Novembre 2011







En accédant à ce site marchand par l'intermédiaire de ce lien vous soutenez financièrement le RayonPolar






Site dédié au Polar-Film-Série
Si vous entrez directement sur cette page,
Retrouvez ses nouvelles en ligne, ses critiques de polars, de films, de séries TV
Sa liste de revues et sa galerie de couvertures de polars anciens.
Visitez le Rayon Polar
Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les gros mensonges et les statistiques.
- Benjamin Disraeli (1804-1881), homme politique britannique















Pinterest
(C) Les textes n'engagent que leurs signataires
RayonPolar
Certaines illustrations de ce site sont des reprises des couvertures de la collection Néo et sont signées
Jean-Claude Claeys.

Reproduit ici avec son aimable autorisation
Pour visiter son Site
Pour acheter des originaux
Cliquez sur l'image
RayonPolar