« Non seulement on n’entend, on ne voit que lui, mais le bruit permanent qui l’accompagne assourdit tout le reste. Le souverain sature à lui seul les ondes, ce qui en soi est déjà considéré comme une prouesse, dont la célébration vient encore renforcer le tapage de sa gloire » écrit, au sujet du chef de l’état, Nicolas Domenach (Marianne, 1-7 septembre 2007). Il est donc partout, mis en valeur par des médias obséquieux, jouant autant la “pipolisation” que le volontarisme. « Même quand ce sont les politiques qui en redemandent, le journaliste ne doit pas être une courroie de transmission. Il doit avoir un esprit critique » rappelle Dominique Wolton, du CNRS (Ouest-France, 1-2 septembre 2007). Mais le traitement raisonné de l’info est-il de mise actuellement ?
Tel qu’on nous le présente, le président est une star. Et même le héros du livre de Yasmina Reza. « Pourtant “L’aube le soir ou la nuit” n’apprendra rien à personne. Et c’est bien cela qui gêne : le candidat à la présidentielle montrant tout, il n’y a rien à raconter (…) Que fait l’écriture face à ce qui est offert ? Elle répète, souligne, paraphrase. Elle enfonce des portes ouvertes » estime la rédaction de Marianne (id). D.Wolton déplore à propos du même livre : « … au bout d’un moment, la dimension voyeuriste a tendance à s’installer. Il y a toujours cette espèce de fantasme “On va dévoiler des secrets, révéler”. C’est pénible, cette vision »(Ouest-France, id).
Gare à l’excès de glorification ! Car, ainsi que l’écrivit un grand auteur de scénarios noirs « La gloire est comme un cercle dans l’onde qui va toujours s’élargissant, jusqu’à ce qu’à force de s’étendre, il finisse par disparaître. » (William Shakespeare)
Un tel personnage peut-il être utilisé par les auteurs de polars ? Quelques-uns répondent, souvent satiriques ou sarcastiques, exprimant (librement) des opinions variées, à cette question :
« Un président de la république française, omniprésent et omnipotent, ferait-il un bon personnage (positif / négatif ?) de roman noir-suspense ? »
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Ce mec est too much, ce mec est trop !
Pour me dérober à la controverse et éviter de me prendre les pieds dans le tapis de la mauvaise foi, j’ai choisi deux positions : celle de l’auteur debout et l’autre du lecteur agenouillé !
Le regretté Manchette aurait probablement opté, lui, pour celle du tireur couché.
On le dit : omnipotent, omniprésent, mais aussi omnidirectionnel, voire un poil omnivore l’homme en question… L’épistolier qui sommeille en moi le décrit volontiers omniscient, en prenant soin de brider la grosse artillerie du vocable malsonnant qui l’inciterait à le qualifier d’ « omnichiant » ! D’autant que non content d’exceller dans le domaine de la vilénie avérée, ce « Môssieur » prend, ces jours ci, un malin plaisir à déjouer en nous refourguant ses antagonismes sur papier glacé.
C’est pas pour dire du mal, mais ce zig est définitivement bien trop sensas pour être crédible, et être pagé à l’encre noire sur le papelard blanc, fusse-t-il brouillon, de mon inspiration. Faut pas charrier ! Qu’on en juge ! Ne friserait-on pas l’excès, que dis-je la superfétation, en s’inspirant d’un type aussi parfaitement taillé pour le roman. N’est-ce pas éminemment interlope un homme autant haï qu’idolâtré, aussi sombre que lumineux, bien que laid très clinquant et également intelligent que…oh là, je me laisse emporter !
Un personnage comme celui-ci serait trop joli pour les ciseleurs de protagonistes à l’esprit tordu. Vraiment trop beau, un vrai régal ! Mais définitivement trop ostentatoirement contrefait. Et on ne rigole pas avec la crédibilité, dans le milieu.
Et a ce stade de ma démonstration, je dis : « Gaffe camarades écrivailleurs ! »
Même la plus sombre des bluettes sorties, toute droit des cerveaux les plus fuligineux ne résisterais pas à une telle marmelade préfabriquée. Qu’un illustre polardeux s’y colle, et s’avise seulement de s’inspirer d’un démiurge aussi peu croyable, et je lui prédis une chute vertigineuse des ventes de ces grimoires.
En tout cas, moi, le bibliophage, je m’insurgerais, hurlerais au relâchement et quitterais illico avec perte et fracas l’obscur univers du lascar, pour le sanctionner de faire dans le notoirement utopique.
Sans dec’, a-t-on déjà vu, un Quasimodo gracieux, un Oncle Picsou philanthrope, un Pervers Pépère amène ou une Carmen cru sociable ? Non, et heureusement ! Ce serait à en perdre son latin. Même en sachant tout ça bidonné par Photoshop, c’est des coups à véroler le ferment de mes références morales, que je reconnais humblement aussi manichéennes qu’enfantines. Chez moi y’a des bons et des méchants et inutile de vouloir me faire prendre des vessies pour des lanternes.
Tiens, c’est comme si on me demandait d’ingurgiter de l’eau tiède, ou bien de teinter mon « noir » d’une pointe de blanc pour obtenir un gris des plus breneux… de cet infâme gris qui jette le trouble et parfois même de la poudre aux yeux dans les plus mauvais polars.
NON, NON ! OUSTE, PAS DE CA CHEZ NOUS !
Pascal Jahouel est publié aux éditions Krakoën (« Archi mortel », « La gigue des cailleras »)
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Omniprésent. Ne nous leurrons pas, on est en plein dedans. Plus que jamais et moins que demain. Il n’y a qu’à se servir pour trouver les exemples. C’est pas la matière qui manque. Omnipotence. C’est à dire un chef d’état qui ne serait plus inféodé au MEDEF ou à la botte des multinationales. Ce ne serait plus du roman noir, mais de la science-fiction.
Mais enfin, imaginons. Quel serait l’auteur suffisamment talentueux pour nous peindre un président qui ne soit pas aussi manichéen que tout ce qu’on nous a déjà présenté jusqu’à maintenant ? D’un côté, l’idéaliste au panache blanc torturé entre la raison d’état et le bien de ses concitoyens (ajoutez lui un soupçon de problèmes familiaux, bien montrer que son cœur bat pour son pays ET pour sa fille). Que l’on se rassure, à la fin, il sauve le pays de la guerre civile, en n’ayant écouté que son instinct et pas ses foutus conseillers, que c’est à se demander s’ils ont eu une mère qui les aimés, ces cons-là..
De l’autre, le méchant salaud, arrivé au pouvoir uniquement grâce aux appuis de groupes douteux, se cachant dans son ombre. Le président-pantin que les VRAIS maîtres du monde se plaisent à manipuler en arrière-plan, sans que l’autre y pige quoi que ce soit. Tremblez, pauvres gens, la théorie du complot est en marche, rien ne pourra l’arrêter.
Oui, entre ces deux extrêmes dont on nous rebat les oreilles depuis des lustres, il y aurait sans doute la place pour mettre en scène un président de la république française tel qu’on le connaît aujourd’hui. Évitons la caricature outrancière qui nous empêche de croire à ce qu’on lit, et que l’on tâche de coller au plus près à la réalité. Là, on aura vraiment peur…
Maxime Gillio a publié « Bienvenue à Dunkerque » dans la collection Polars en Nord, Editions Ravet-Anceau.
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Le sujet est déjà pris, puisque les journaux sont pleins d'infos concernant le roman de Yasmina Reza. On cite souvent Stendhal quand il déclare que "la politique est une pierre au cou de la littérature", et je suis assez d'accord. Préférant les obliques aux lignes droites, j'aimais bien la façon biaisée dont Montalban écrivait sur la politique par exemple. Et puis, je pense que si Sarkozy est omniprésent c'est parce que les médias passent plus de temps à évoquer sa personne qu'à travailler sur les sujets de fond. Après tout, même si NS a une équipe de com du tonnerre, ce n'est pas lui qui tient les stylos ou les caméras. Moralité : un polar qui raconterait la dégradation de l'économie française depuis la fin des Trente Glorieuses serait autrement plus passionnant, à condition que son auteur ne se confine pas dans une posture gauchiste qui a fait son temps.
Dominique Sylvain est publiée aux Editions Viviane Hamy (« L’absence de l’ogre » & « Baka ! » nouvelle version) et chez J’ai Lu.
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Omnipotent, omniprésent ?
Primo, tordons le cou au cliché : « un bon personnage de roman ferait un bon président ». Imaginons Maigret à l’Elysée. Ventripotent soit, omnipotent pas sûr. Pepe Carvalho? Omnivore. Zazie dans le métro ? Omnibus.
Reste, omniprésent. Nicolas je suis partout Sarkozy. Le peuple moutonnier se cherchait un guide, il a fait entrer le loup dans la bergerie et ça, le loup, c’est un putain de bon personnage de roman, éprouvé, certifié, fidélisé depuis l’enfance… Ah, le loup ! Ouh, ouh, ouououh… Si brandir une croix de Lorraine est de nature à chasser les vampires socialo-communistes, rien de tel qu’un méchant loup pour fasciner un petit chaperon rose. Il lui suffit de placer de vieux béliers sur le retour aux quatre coins du troupeau et le tour est joué. Politique friction. Nous pouvons affirmer, amical lecteur, que l’actuel président fera un efficace « saigneur des agneaux ».
Yvon Coquil a publié « Black Poher » aux Editions du Barbu.
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Le président omnipotent et omniprésent dont vous parlez est un bon personnage de roman noir suspense en ce sens qu’il est à la fois très lisible dans son expression et très secret dans ses sentiments. Lorsqu’il avance, c’est au clairon et au pas de charge. Lorsqu’il recule, c’est en catimini et en silence.
Quelles sont les vraies raisons de ses jubilations lorsqu’il charge sabre au clair ?
De quoi est fait ce silence lorsqu’il bat en retraite ? Quelles frustrations, quelles colères, quelles hontes et haines cachées sont alors à l’œuvre ? Qui peut le dire ? Pas l’omniprésente Yasmina Reza qui interroge son propre miroir ! Alors ?
Une simple question : Comment réagira l’omnipotent et omniprésent président face à un mur sur lequel il se sera cassé les dents ? Cherchera t-il à le contourner, à le démonter Pierre à pierre, à l’abattre à la pelleteuse ou à le bombarder ? Qu’en savons nous ?
L’omnipotent et omniprésent président est incontestablement un bon héros de roman noir suspense, car le polar est déjà en cours d’écriture et nul, ni vous ni moi, n’en connaît la fin.
Pascal Martin est publié aux Presses de la Cité “Terres de France” (« La malédiction de Tévennec », « Les fantômes du Mur Païen », « Le Bonsaï de Brocéliande »…)
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Je me suis amusé à rechercher dans le dictionnaire la signification du terme « omnipotent ».
« Omnipotent » n’est pas à un handicap genre « unijambiste » ou « impotent », (adjectif et nom du latin impotens, impuissant) comme certains (incultes, évidemment) pourraient le croire. Non ! Non ! C’est bien sûr l’opposé (sinon son contraire) puisque notre « cher président » (qui n’est pas celui du pays Grolandais) est effectivement « omnipotent » : adjectif, du latin omnipotens, tout-puissant ; dont l’autorité est absolue : monarque omnipotent.
Mitterrand, qualifié de monarque en son temps, peut aller se rhabiller ! François n’arrive pas à la cheville de Nico !
Avant de continuer ce bref article, je tiens à présenter mes excuses au(x) lecteur(s) : je ne peux toujours pas me résoudre à formuler sous quelle que forme que ce soit le nom de notre président démocratiquement élu par le peuple français (du moins par 53 % des votants). Je me limiterai donc à l’appeler par un petit nom : Nico. Rien à voir avec « nicotine » : à haute dose, violent poison pouvant amener à une intoxication grave. (Dixit le dictionnaire).
J’en viens donc à l’autre terme intéressant de la question posée : « omniprésent ». Il n’est pas nécessaire de rechercher dans le dico sa signification, il suffit simplement d’écouter la télé, le poste de radio ou d’ouvrir un journal pour comprendre le mot.
Bref… Je m’égare. La question n’est pas de casser du sucre sur le dos large (quoique pas très haut) de Nico, mais de répondre à :
« Un président de la république française, omniprésent et omnipotent, ferait-il un bon personnage (positif / négatif) de roman noir-suspense ? »
C’est déjà fait. Et j’en sais quelque chose puisque dans mon avant-dernier livre (« B.R.E.S.T 2020 »), l’un des personnages centraux est un ministre qui veut devenir président et qui a la phobie de la propreté. Ce livre (sorti en février 2007, donc avant les élections présidentielles) a le sous-titre suivant : toute ressemblance avec une personne existante ou pouvant exister n’est pas fortuite. Je ne peux pas être plus clair.
Pour répondre enfin à la question : Nico fait et ferait un excellent personnage de roman noir. De mon point de vue, c’est le méchant. Je pense que tout le monde l’aurait deviné. Mais ne soyons pas complètement manichéens. En politique, il n’y a pas que Nico qui soit le méchant ou le négatif de l’histoire. La méchanceté (ainsi que la bêtise) n’a aucune couleur politique. Ensuite, n’oublions pas qu’il n’est pas arrivé à cette place tout seul. Ses opposants l’ont aidé. Certains l’ont même fait exprès. Quant aux médias ? Un personnage ne devient pas omniprésent par sa seule volonté. Les médias y ont aussi trouvé leur compte.
Si vous suivez mon raisonnement : un président omniprésent, des politiques véreux, fourbes, ambitieux (etc...) de tous bords, des médias calculateurs… cela devrait vous rappeler bien des romans et films noirs / polars / suspenses et, désormais, avec Nico, thrillers.
Le prochain roman qui fait peur, le thriller à la Stephen King, le best-seller-gore de cet automne aura peut-être comme personnage central : Nico !
(J’espère que ce ne sera pas une trilogie : Nico, le providentiel ! (tome I) / Nico, le retour ! (tome II) / Nico, ricochet vers le futur ! (tome III). Aie !
Christian Blanchard est publié aux Editions du Barbu (« B.R.E.S.T.2020 », « Le théorème du singe », « Chairs amis », « Résiliences »…)
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MAX OBIONE (Délire sarkubuesque) |
Ah mes amis, cet agité élyséen ferait un super héros de roman noir, d’ailleurs il a déjà commencé en vrai. Mais, eu égard à l’excès de cette boursouflure, c’est en clone de Père Ubu que je le croquerais bien volontiers : Bienvenue Sarkubu !
Sarkubu
Crottre de crottre, que ce coup de pine fut délectable. Vous vous retirâtes avec trop de hâte de mon anus impérial. Cette enculade fut à ce point jouissive, que je m’en vais de ce vit enculer tous mes sujets.
Les chœurs uhempiens
A sec ! A sec ! Qu’il est beau, qu’il est grand, notre Talonnette !
Médéfrousse
Me voici enguirlandé de votre cague présidentiel, m’en faire un étendard pour niquer tous les « travailler moins pour glander plus pour rapporter moins », me voici comblé d’honneur.
Sarkubu
Convoquez-moi les lucarnes magiques, que j’expose mon programme, que j’explose vos alarmes. Vite qu’on fasse tourner les pales de l’hélico, je veux répandre la nouvelle par mondes et par veaux.
Krouscensky
L’Iran regimbe et s’arme, l’Allah sonne l’hallali.
Sarkubu
Qu’on les bombarde à coup de saucisses de Toulouse.
Les chœurs uhempiens
C’est la divine parole, les miracles accomplis par Baduc 1er. Au ciel, ciel, il remplacera Dieu !
Fatmati
On signale que le concierge du 15 rue d’Arago est mort à cause d’un panaris.
Sarkubu
Qu’on enferme tous les panaris. Qu’on me transporte, je veux serrer sur mon cœur l’épouse de cette malheureuse victime.
Fatmati
La loi sera votée par les souliers à clou du Parlement.
Sarkubu
Niquez les tous, mère Kubu reconnaîtra les siens !
Mère Kubu
Beau bateau à Bololo, usine baboum à Kakadhafi, shopping chez Boubusch.
Les chœurs uhempiens
Foutons, foutons, foutons en bec, foutons en con, foutons en cul, c’est le plaisir des gueux !
(et ainsi de suite, les aventures de Sarkubu sont à suivre dans Paris Match et sur TF1 et si le cœur vous en dit, continuez ce pastiche.)
Max Obione est publié aux Editions Krakoën (« Amin’s blues », « Gaufre royale », « Les vieilles décences », « Le jeu du lézard », « Balistique du désir » sortira en octobre prochain)
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