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Jean-Claude Claeys

Litt%C3%A9rature%20Polici%C3%A8re

Par Claude%20LE%20NOCHER

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Lectures depuis
Le mercredi 11 Avril 2007

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Tous les écrivains sont avant tout des lecteurs. S’ils ont choisi la Littérature Policière, c’est en partie le résultat de leurs lectures passées. En exclusivité pour RayonPolar.com, 17 auteurs ont accepté de répondre à cette question qui paraît simple. Pourtant, beaucoup ne peuvent se contenter de citer un seul auteur, car leurs influences sont plus variées. Voici leurs réponses…

JEAN-FRANCOIS COATMEUR

L'écrivain qui m'a le plus marqué est sans aucun doute Thomas Narcejac.
Il m'a fait confiance dès mes premiers balbutiements littéraires, il a été mon conseiller et mon mentor, il était là, aux heures difficiles. Ami fidèle jusqu'à la mort. L'influence qu'il aura exercé sur mon travail, par ses écrits, comme par son enseignement, est indéniable ; même si, progressivement, et c'était son souhait maintes fois affirmé, je me suis en grande partie écarté de mon maître ( choix des sujets et des thèmes et, à un plus haut niveau, sens même de mon engagement d'écrivain). Je rapproche de cette haute figure deux autres auteurs que j'ai beaucoup lus et qui m'ont conforté dans l'idée que le roman
policier avait sa place, éminente, dans la littérature universelle : d’abord et surtout l’écrivain Graham Greene, et puis l’américaine Patricia Highsmith.
Un roman récent de J.F.Coatmeur : « La fille de Baal » (Albin Michel) ; une réédition 2007 : « Le Mascaret » (Liv’Editions)


GERARD DELTEIL

L'auteur qui m'a le plus influencé est Jim Thompson. Notamment le procédé littéraire qui consiste à faire parler à la première personne un individu assez déplaisant, comme dans son chef d'œuvre « 1275 âmes ». Le personnage ne cesse de s'autojustifier, de trouver de bonnes raisons pour avoir commis ses crimes. C'est très réaliste car un salaud, quand il se lève le matin, ne peut pas se regarder dans la glace en disant "je suis un salaud". Il faut bien qu'il se revalorise ou au moins trouve des circonstances atténuantes à ses actes, voire qu'il les présente comme des oeuvres de génie quand il est complètement allumé.
J'ai donc utilisé ce procédé dans "La confiance règne", un escroc qui, pour échapper à la justice, est amené à tuer les victimes qui le poursuivent. Ce qui est assez étonnant, c'est que certains lecteurs sont "tombés dans le piège" et ont trouvé l'escroc sympathique alors que je voulais le rendre odieux. En fait, entrer dans sa psychologie l'a rendu humain, c'est ce qui fait que ces lecteurs se sont eux aussi laissés escroquer par ce type qui a évidemment aussi des cotés sympa, sinon ce ne serait pas un bon escroc.
Deux autres écrivains m'ont pas mal influencé aussi : Philip K. Dick et Jack Vance, mais cette influence n'est sensible que dans mes romans de SF, comme par exemple "La septième griffe de Togor", que j'ai dédié à Vance.
Mon dernier livre : "La femme du ministre" vient toujours juste de sortir. C'est un thriller de politique fiction : une journaliste est chargée d'écrire la bio d'un candidat à la présidence de la république. Objectif : le présenter comme un bon père de famille. Mais, au cours de l'opération, la femme du ministre en question a une aventure avec un jeune publicitaire, et cela change la donne... « La femme du ministre » est publié aux Editions de L'Archipel


CHRISTIAN BLANCHARD

J’aime ce genre de question qui suppose une réponse succincte : pas de chance. Comment donner le nom d’un seul auteur ? Impossible !
Disons que j’ai eu plusieurs périodes et donc plusieurs influences.
Dans un premier temps, j’étais assez tendance « américain » : Connelly, Cornwell, Coben. Puis, j’ai réintégré l’hexagone avec des auteurs qui ne sont pas nécessairement catalogués « polar » : Grangé, Jonquet, Izzo.
Maintenant mes préférences vont vers un auteur devenu « mode » : Maxime Chattam. Mais, dans mon jardin secret, j’aurai aimé écrire comme Izzo et être tordu comme Chattam (la trilogie). Il se trouve que je fais du « Blanchard » et encore, pas tout le temps.
Roman de politique-fiction, « B.R.E.S.T. 2020 » est le dernier roman publié par Christian Blanchard. Son prochain, « Le théorème du singe », paraîtra avant l’automne 2007.


PASCAL MARTIN

Si je devais répondre à une telle question en ne citant qu'un seul auteur, ce serait Georges Simenon, sans doute à cause de la simplicité des mots employés et de la sécheresse des phrases pour décrire des atmosphères (souvent mouillées...) et des sentiments d'une grande profondeur. Mais je suis également conscient d'avoir été influencé par un auteur radicalement différent du maître Belge, à savoir Jean Patrick Manchette. Frédéric Dard, dans ses romans durs autant que dans les San-Antonio, a également beaucoup compté pour moi. Les influences éclectiques que j'ai reçues constituent donc une mosaïque très agréable à manier dans le sens où parfois, sous ma plume, se glisse la petite musique de l'un, et dans la même phrase une intonation de l'autre. J'ai plaisir à les reconnaître et je ne cherche pas à les chasser tout en m'efforçant de tracer ma propre voie.
Ce que j'ai fait dans mon prochain roman « La malédiction de Tevennec » à paraître début juin 2007 aux Presses de la Cité-Terres de France.


MOULOUD AKKOUCHE

Avant d’écrire du roman noir, je n’avais lu que deux auteurs de romans policiers : Frédéric Dard et James Hadley Chase. Et j’ai l’impression, avec la distance des années, que Frédéric Dard m’a influencé sur l’intrigue et les jeux de mots. Depuis, j’ai cessé l’utilisation de jeux de mots que je laisse aux auteurs qui, eux, effectuent un véritable travail dessus. Pas de l’à peu près. Faire un jeu de mots est facile, en faire un bon est très difficile.
Mais d’autres romanciers que les deux cités continuent d’entrer « par capillarité » dans mon boulot. Je pense à Jack London, Albert Camus, Raymond Carver, Jim Harrison, Selby, Russel Banks, James Lee Burke… La liste des très bons auteurs est longue. Ces écrivains qui, tour à tour, vous écrasent et vous encouragent à bosser plus. Et surtout à ne jamais se croire arrivé.
Aujourd’hui, je découvre d’autres auteurs qui, peut-être un jour, influenceront mon écriture. Le pire n’est pas de plagier un autre mais de se plagier. Et la lecture de grands textes remet toujours les points sur le I de littérature. Un auteur n’est jamais seul sur sa balance ; il porte le poids de ses lectures. Et pour paraphraser Cendras : quand tu écris, il faut lire.
Le dernier livre de Mouloud Akkouche : « Rue des absents », Editions Atelier In-8.


THIERRY CRIFO

Deux livres dans le genres noir/polar sont mes livres de chevet :
« Un privé à Babylone » de Richard Brautigan, qui comme « L’homme qui a tué Liberty Valence » de John Ford pour le western, est à mon sens la somme de tous les polars, la quintessence, tout au moins les “polars à privé”. C’est en même temps, un hommage, une déclaration d’amour, un clin d’œil, et non un pastiche. C’est tout autant une œuvre personnelle, qui me hante et que je relis.
« Tarzan malade » d’Hervé Prudon. En le découvrant, j’ai reconnu – alors qu’en littérature, j’étais sans famille – un frère. J’y ai vu ce que spontanément, autodidactement je faisais, un même plaisir des mots, une prise de risques, une liberté totale. Ce n’est donc pas une influence, c’est une concordance miraculeuse (tout au moins en ce qui me concerne) d’émotions, alors que je ne l’avais jamais lu. C’est le même amour partagé des mots, des sons, des digressions. Si je suis l’élève, apparu par hasard, cabochard, indiscipliné, bancal, miraculé, il est le maître, incontestablement…
« Paternel à mort » (Le Masque) de Thierry Crifo a obtenu le Prix du Lion noir à Neuilly/Plaisance, mars 2007.


LAURENCE BIBERFELD

Ce qui nous a influencés remonte forcément à un âge tendre, le reste se sédimente ensuite mais ça n’a plus le même impact. Je crois que le type qui m’a le plus marquée dans le polar est Chester Himes. Sans tomber dans l’humour facile, plus noir tu meurs, et plus cinglé et plus drôle. C’était une littérature qui pouvait se passer de héros et de considérations éthiques pour se contenter d’être aussi vivante et vacharde que ce dont elle parlait. La seule chose à prouver étant qu’on pouvait parler de tout et en utilisant toutes les langues. D’autres empruntaient ces pistes, ce qui ne les empêchait pas de se colleter avec les thèmes les plus casse-gueule. Ado, je ne suis pas tombée sur d’autres genres (mais je lisais ce qui me tombait dans les mains, étant complètement désargentée, et donc la SN s’y trouvait en disproportion) qui s’attaquaient à l’amour fou par exemple avec le même estomac que l’abbé Prévost. Des bouquins comme « Adieu ma jolie », « Eva », « La sirène du Mississipi » et j’en passe, « Trois chambres à Manhattan » aussi, m’en disaient largement autant que « Les caprices de Marianne » ou « Anna Karénine ». Je me rappelle aussi avoir appris par cœur certaines formules de Sana [San-Antonio] pour étoffer ma conversation, dans le sud l’éloquence tac-au-tac est un des rares passe-temps gratuits. Frédéric Dard, capable de substituer à “Il se les gelait” une formule raffinée comme “Ses valseuses étaient plus aptes à rafraîchir l’apéro qu’à servir de témoins” nous servait d’anti-sèche dans les combats de rue.
Qui d’autre ? Thompson, Irish, Goodis, Thompson le plus cinglé et le plus enragé. Toutes les littératures parlent de la vie sans doute, mais le polar m’apparaissait comme la plus vivante de toutes.
J’ai l’impression qu’en écrivant on peut grosso modo faire deux choses, pour le dire de façon imagée : conter ou chanter. Conter prend la tête, chanter prend les tripes. Peut-être qu’en vieillissant je deviens plus sensible à ceux qui chantent. Mais pour conter il faut savoir parler avant d’écrire, peu importe quel langage on utilise, on peut appeler ce registre populaire parce qu’il suffit de se balader n’importe où sur terre pour se rendre compte que le bagou, la tchatche, le plaisir de choper par les oreilles, personne n’a besoin de savoir lire pour les attraper. Peut-être que les polars que j’adorais gamine justement avaient ce côté expressif, direct, en plus certains étaient vraiment écrits par des gens qui auraient très bien pu ne jamais apprendre à lire. Ca, ça a malheureusement changé.
Quant à savoir s’ils ont influencé mon écriture, sans doute autant que le reste de ce que j’ai lu pêle-mêle. Toutes les formes d’élitisme m’emmerdent, et tous les registres de langue m’intéressent. Si je lis à peu près tout, je préfère pratiquer une littérature qui ne se prenne pas trop la tête avec ce que Ferré appelait le prestige du rince-doigts. Comme en plus je manque pathétiquement de rigueur, œuvrer dans un genre un peu corseteur m’aide à rester sur la route quand je roule. Il y a aussi la question des sujets, qui rejoint celle du rince-doigts. Si certains sujets sentent le cambouis plus que l’encre, c’est peut-être regrettable surtout pour la littérature, qui en les trivialisant se comporte comme un portier de boîte de nuit. Je préfère évoluer dans un genre qui reste ouvert et un peu expérimental, en espérant qu’il le reste au moins à la frange, car la fièvre d’être respectable pourrait pousser tout un pan de cette littérature non à montrer ce qu’elle a en effet de respectable, mais à restreindre son champ d’expression dans un sens élitaire, auquel cas, malgré mon affection pour le passé simple, je n’aurais plus grand’chose à y faire. Récemment j’ai lu à une copine l’intitulé d’un débat tel qu’il s’en produit régulièrement : Le polar a-t-il quitté les quais de gare pour arriver dans la grande littérature ? et elle s’est écriée : J’espère bien que non !


CLAUDE AMOZ

Si je n'en garde qu'un, ce sera Simenon. Pour sa capacité à créer une atmosphère avec de tous petits détails (une odeur, un reflet, une infime variation climatique, le goût d'un saucisson ou d'un vin gouleyant). Et aussi pour sa grande force de compassion avec les êtres les plus "ternes" en apparence. Mais j'aurais beaucoup d'autres maîtres à citer...
De Claude Amoz, lire : « Racines amères » (Editions Rivages Noir)


DOMINIQUE SYLVAIN

Plutôt qu’un auteur, je citerai un trio : Chandler, Leonard, Montalban. J’ai eu le coup de foudre pour Chandler étant ado. L’élégance de son style, son romantisme désabusé, son humour raffiné et mélancolique et le charme de Philip Marlowe m’ont enthousiasmée, et remuée. Quand j’ai commencé à écrire des polars, en 1993/94, j’ai tout de suite voulu mettre en scène un privé. J’ai choisi un personnage féminin, Louise Morvan, mais lui ai donné quelques aspects du caractère de Marlowe, plus ou moins consciemment. Louise est un rien cynique et désabusée, mais reste une grande romantique capable de panache, pour la simple beauté du geste. Elle a un côté « chevalier blanc » comme Marlowe, et « ni Dieu ni maître ». Comme lui, elle boit pas mal, accumule les relations sentimentales sans suite, se coltine physiquement avec ses adversaires, vit chacune de ses enquêtes comme un voyage initiatique. Elle est intuitive, mais pas seulement : elle mouille sa chemise pour arriver à ses fins et mise sur la logique. C’est une bagarreuse, et une raisonneuse. Mes deux nouvelles héroïnes, Ingrid Diesel et Lola Jost, ont ces deux points communs avec Louise, et Marlowe.
J’ai découvert Elmore Leonard et son humour subtil avec « Freaky Deaky », l’histoire d’un héros cool et malin aux prises avec des ex-activistes des années 60 reconvertis dans le gangstérisme. J’ai été épatée par sa technique. La fluidité de son style, sa manière de bâtir une histoire en trouvant des angles inédits, sa mécanique du suspense rigoureuse et qui ne laisse pas voir les coutures. Son univers est réaliste et jubilatoire. Quand il écrit une scène de séduction, Leonard ne tombe jamais dans la mièvrerie ; il sait parler de la connivence et de l’amitié comme personne, ses scènes d’action sont redoutablement efficaces et la violence n’y est jamais gratuite. Ses héros ont un charme irrésistible, notamment Chili Palmer dans « Get Shorty » (mon polar favori). Leonard prend son temps et accélère sans prévenir pour écrire une scène d’action magistrale, sans un effet de trop, sans une virgule inutile (la scène de massacre entre dealers dans « Out of Sight » est un modèle du genre). Ses méchants sont particulièrement réussis : le duo entre le tueur à gage indien et le petit blanc hystérique de « Killshot » est un morceau de bravoure. Comme tous les grands auteurs américains, Leonard est également très rigoureux dans les détails techniques ou historiques. J’admire ce professionnalisme. La rigueur mariée à une imagination impressionnante, c’est de la dynamite.
Un peu plus tard, je me suis plongée dans Manuel Vazquez Montalban pour lire tous ses Pepe Carvalho à la suite. La proximité du français et de l’espagnol, la qualité des traductions m’ont permis de goûter sans réserve la grande beauté de son style. Il m’arrivait quand j’avais un coup de mou pendant l’écriture d’un roman, d’ouvrir un Montalban au hasard et de lire quelques pages pour me redonner de l’énergie. Son écriture est à la fois délicate et puissante, sa vision du monde lucide et élégante, en grande partie parce qu’il n’assène jamais de leçon politique. Il donne à voir à des lecteurs adultes, leur offre un univers complexe et sensuel, et un regard singulier. Je crois que c’est Montalban qui a dit que le politique finissait toujours par transparaître, et que du coup il n’était pas nécessaire de durcir le trait.
Je suis allée à l’école du polar avec ces trois maîtres et j’ai mis des années à digérer leur technique, et à trouver ma propre voix. Dix ans au bas mot.
Prochaines parutions le 4 mai 2007, aux Editions Viviane Hamy : « L’Absence de l’ogre ». Quatrième roman de la série « Ingrid Diesel et Lola Jost », il se déroule en partie à la Nouvelle-Orléans. « Baka ! ». Mon premier roman publié en 1995 et dont l’action se déroule presque entièrement au Japon. Il était épuisé, Viviane Hamy a souhaité le rééditer. J’ai alors décidé de le réécrire complètement. Il avait tous les défauts d’un premier roman, ma vision du Japon avait changé, mon style aussi. Il m’a permis de renouer avec Louise Morvan, abandonnée depuis 2001 et la parution de « Strad ».


LALIE WALKER

En découvrant cette question, je me suis immédiatement dit que les romanciers qui avaient laissé leur marque, telle une empreinte fantôme agissant sans que je n'aie à y songer un seul instant, n'appartenaient pas à la littérature policière. Je dis "les romanciers", car l'influence est plurielle.
Dans un premier temps, je repense au « Comte de Monte-Cristo », à « Crime et châtiment » et au « Dracula de » Stoker et, un peu plus tard, à Borges et autres écrivains Sud-Américains ou Russes nichés dans la bibliothèque familiale.

Dans un deuxième, je me fais la réflexion que ce sont essentiellement les contemporains qui stimulent tant ma pensée que mes sens ou mon imaginaire. Eux qui, à leur tour, laisseront impressions et indices que ma mémoire occultera très probablement , mais qui, sous le derme, seront sans nul doute actifs dans les années à venir. Je pense à Juan Carlos Somoza et à Timothy Findley. Dès lors que la question comprend un lien au passé - marque, influence - il faut croire que je me sens plus proche de la littérature, en générale, que de l'univers policier en particulier. Faux : en réalité, je ne fais aucune partition entre les genres. Noire et fantastique est la littérature, au propre comme au figuré. Puis, lentement, imprécis et parcellaires, d'autres souvenirs sont revenus et, par je ne sais quel tour de passe-passe neuronal, un livre d'Exbrayat, « Olé torero ! » Une histoire qui, du fond de ma mémoire incertaine, transpire la poussière et l'âpreté, le souffle de la corrida et celui des hommes prêts à mourir pour revêtir un habit de lumière, dans ce pays où le soleil suffit à aveugler. Contrairement à de nombreux autres romans, « Olé torero ! » n'avait rien “d'humouristique”. Je dois avoir dix ans quand ma grand-mère me fait découvrir Exbrayat. Je me souviens de fous rires entrecoupés de tensions et de curiosité. Alors c'est ça la littérature policière : crime de sang et farce, égarement humain et extravagance mêlés ?!
Depuis, je n'ai pas relu Exbrayat, pas plus que les autres romanciers de l'enfance ou de l'adolescence, exception faite de « Monte-Cristo ». Mais il me vient à l'idée qu'il fait parti des oubliés, lui qui a forcément dû compter si j'en crois ce que ma mémoire est capable, quelque trente ans plus tard, de me restituer. Jusqu'au titre, moi qui peine à me rappeler du nom d'un auteur lu la semaine dernière.
Est-ce à dire, pour revenir à l'intitulé de la question, que ce serait Exbrayat qui m'aurait le plus marquée ? Comment savoir quand, à l'abri de je ne sais quelle pliure du temps et de l'espace, l'histoire la plus marquante fut incontestablement celle qu'on me lisait en espagnol lorsque j'avais trois, quatre ans, et qui racontait les folles et courageuses tentatives d'un petit dragon visant à libérer une princesse enfermée tout en haut d'une tour. Alors même qu'il ne savait pas encore voler. Finalement, cette question a fonction de madeleine proustienne. Moi qui n'apprécie guère ce type d'étouffe-chrétien. Bien qu'on m'ait dit et redit que j'avais tort, je continue de leur préférer les framboises et les romanciers venus d'ailleurs, l'odeur du café et les “mauvais genres”. Et la poussière du sud.
« N’oublie pas » de Lalie Walker, sort en juin 2007 chez Folio Noir.


JAN THIRION

Pour sa manière de voir le monde avec lucidité, sans méchanceté, mais non sans montrer les détails sordides de la vie et l'ironie des choses, c'est sans conteste Michael Collins, le seul auteur dont chacun des livres me parle, qui m'incite à travailler comme j'écris ou comme je voudrais écrire. A savoir, accompagner des personnages, comme des gens normaux dans des situations problématiques basiques et compliquées à la fois, car tout devient terriblement complexe dès que d'autres s'en mêlent. Chez Michael Collins, pas de pathos, pas de surenchère dans le drame et l'action, pas de second degré, ce qui n'empêche pas la compassion ou l'humour d'apparaître et d'émailler le récit en décalage parfois avec ce qui est montré. On y retrouve la réalité que l'on connaît, capable de nous faire rire à un enterrement ou de nous faire pleurer à une noce.
Je prends comme une leçon l'évolution de ses personnages dans ses romans. Aucun n'est une caricature ou n'apparaît juste pour les besoins de l'histoire. Toutes les motivations, même celles qui
semblent les plus sournoises, finissent par nous ébranler. Le manichéisme n'existe pas chez Michael Collins. Ni l'héroïsme. Ici, il est question d'humain, rien que de l'humain. Des trahisons, de l'hypocrisie, de la lâcheté, oui, mais accompagnées de valeurs morales, d'amour, de doute, de prises de risque et de mains tendues. Comme il y a un hors-champ au cinéma, il y a un hors-action en littérature, et c'est dans cet hors-action que se lit la crédibilité d'un auteur. Les détails forment la chair de l'histoire et c'est
ceux-là que nos yeux caressent.
Je ne veux pas prêter à Michael Collins de fausses intentions. Pour mon compte uniquement, même si Michael Collins est un modèle de fluidité d'écriture et de mise en valeur de petites choses, je pense
actuellement, et j'écris dans ce sens aujourd'hui, que plus on va vers l'ordinaire et le banal, plus l'impact est grand. [Michael Collins, édité au Seuil, auteur de « La Filière Émeraude », « Les Gardiens de la vérité », « Les Profanateurs », « Les Âmes Perdues », « La vie secrète de E.Robert Pendleton. »]
« Ego fatum », le nouveau roman de Jan Thirion est publié aux éditions Krakoen


ROLAND SADAUNE

Mon premier contact avec la littérature policière s’est fait aux environs de mes douze ans, par le biais d’un film de cinéma : « Cet homme est dangereux », de Jean Sacha, d’après un roman de Peter Cheyney. Aussitôt, j’ai eu envie de retrouver le héros, Lemuel H. Caution, et j’ai lu l’ensemble de ses aventures. Ce qui m’a amené à apprécier le roman policier en général, mais en particulier ceux de la collection Série Noire. Avec quelques incursions dans la Spécial Police et, à titre exceptionnel, dans la Mystère.
De mes premières lectures, il ne se dégage pas réellement de romancier particulier mais un ensemble de romans marquants. La liste de ceux-ci correspond à une cinquantaine d’auteurs que l’on peut retrouver dans les 450 premiers titres de la SN. Et aussi, à mes dix-sept ans et l’achat d’une machine à écrire (Underwood d’occasion).
Après une présélection, 16 romanciers demeurent ! C’est trop. Alors j’élimine à contrecoeur : Jim Thompson, « Cent mètres de silence », Gertrude Walker, « A contre-voie », Richard Jessup, « Un bruit de chaînes », John McPartland, « La virée fantastique », José Giovanni, « Le deuxième souffle », et Ian Fleming, « Chauds les glacons ! » Il subsiste, dans le désordre : Peter Cheyney, James Hadley Chase, William P. McGivern, Auguste Le Breton, Antoine L.Dominique, Frédéric Dard, Charles Williams, Ed McBain, Chester Himes et André Lay.
Celui dont j’ai lu le plus de livres est J.H.Chase, « L’abominable pardessus », « Une manche et la belle », « Traquenards », etc. … Il m’a bien entendu marqué, mais tantôt par ses romans et tantôt par les adaptations cinématographiques de certains d’entre eux. Je ne dissocie pas franchement roman policier et film policier.
Après réflexion, je réalise que j’ai des difficultés à déterminer lequel de ces romanciers a pu influencer ma propre écriture. Je persiste dans ma recherche, et effectue une dernière coupe. Pour finalement constater qu’ " il est 3 ". A savoir :
Peter Cheyney, pour l’intense réflexion de son héros. ( Et pour m’avoir fait découvrir le roman policier).
Auguste Le Breton, pour ses truands haut en couleur et son langage argotique.
James Hadley Chase, pour la force des intrigues, la psychologie des personnages principaux, la dégringolade annoncée des héros et la vénalité des héroïnes. Entre autres…
Allez, j’ajoute André Lay, pour ses triangles amoureux aux bases machiavéliques !
Je me relis et, tiens ! Chase semble sortir du lot…
Pour ma part, après « Auvers d’Oz », polar sur les pas de Vincent Van Gogh, il sortira courant juin 2007 : « Sacré cœur d’Oz », polar sur les pas de Maurice Utrillo.


JEAN FAILLER

Contrairement à l'homo érectus, l'écrivain n'a pas qu'un seul père. Ils sont multiples, ceux qui ont imprégné l'esprit de l'auteur nouveau (par opposition à ceux qui sont passés), si nombreux à vrai dire qu'il serait vain de vouloir les dénombrer. Cependant, comme il faut faire un choix, je me fixerai sur trois "ancêtres", tous trois de langue française.
Le premier sera Pierre Magnan, pour l'élégance du style directement héritée d'un autre maître, Giono et pour ses romans qui fleurent si bon la Provence, pas celle des résidences secondaires à un million d'euros le mas en stuc et en toc avec piscine, mais la vraie, celles des paysans, des quêteurs de truffes, des gauleurs d'olives qui appartiennent à un passé irrémédiablement révolu.
Le second Léo Malet, pour sa gouaille populaire un peu canaille, sa gaillarde fantaisie, et pour les descriptions d'un Paris de petits métiers pittoresques, défuncté lui aussi sous les coups de boutoir de la spéculation immobilière.
Le troisième Georges Simenon pour son dépouillement d'écriture et un art de la concision dont pourraient s'inspirer les auteurs de "pavés" en ce moment si bien en cours chez l'éditeur. Il a su, avec une économie de mots qui force l'admiration, nous décrire une "douce France" de paysans, d'ouvriers comme on n'en fait plus (charretiers, bougnats, petits notables d'une province compassée) que nous ne reverrons plus.
J'aurai pu bouleverser ce classement qui n'est alphabétique que par accident. Il n'y a pas de hiérarchie dans l'importance de leur influence. Pour moi elles sont toutes différentes, ces influences et aussi importantes les unes que les autres. Pas de prééminence donc pour ces trois noms. Bien entendu les œuvres de ces auteurs, ne méritent pas l'étiquette laidement péjorative de "polars", (qui devrait être réservée à l'usage des romans dits "noirs") mais bien celle d'auteurs de romans policiers, et tant pis pour qui ne saisira pas la nuance.
Je me suis également souvent réjoui des délires de San Antonio et de ses audaces narratives, sans jamais aller chasser sur ses terres car, dans l'audace littéraire et dans le délire verbal, cet homme est incomparable.
Mon prochain roman policier (j'insiste) paraîtra aux Editions du Palémon au cours du quatrième trimestre 2007. Il sera le trentième de la série des Mary Lester et aura pour titre "Te souviens-tu de Souliko'o ?"


CHRISTIAN DENIS

Lorsque j’étais gamin, vers 12-13 ans, je dévorais les auteurs français du début du 20e siècle au style particulièrement soigné. J’ai commencé par Maurice Leblanc, puis Gaston Leroux. Mais celui qui m’a le plus impressionné, donc certainement influencé par la suite, est un tandem : Pierre Souvestre et Marcel Allain, parce qu’ils parviennent à résoudre des paradoxes qui ont au cœur des énigmes dont ils provoquent l’intérêt. Le paradoxe est le suivant : c’est impossible, et pourtant c’est vrai. Gaston Leroux s’y était essayé dans « Le mystère de la chambre jaune » hermétiquement close, avec quand même un cadavre à l’intérieur. Mais le paradoxe qui m’a le plus bouleversé, je l’ai lu dans « Le pendu de Londres » ou « La fille de Fantômas », je ne sais plus. Bref, Fantômas commet des méfaits, pourtant on retrouve sur les lieux d’autres empreintes digitales que les siennes. La police court donc après un autre malfrat, sans se douter qu’il est mort depuis un certain temps, tué par Fantômas. Ce dernier a coupé les doigts du misérable et en a retiré la peau. Puis il a laissé tremper cette peau dans une solution chimique, afin qu’elle s’assouplisse. Lorsqu’il commet une mésaction, Fantômas enfile la peau des doigts, sûr qu’on retrouvera ces empreintes. Outre l’aspect terrifiant du procédé (un peu à la Stephen King), l’astuce est habile. On en trouve une du même tonneau dans « Les louves » de Boileau-Narcejac : l’époux est dans sa baignoire, noyé, et pourtant il regarde sa femme…
Ce concept de roman criminel m’a influencé dans l’élaboration de mes romans. Dans « Retour à La Grière-Plage », l’héroïne distingue nettement sa mère à travers la vitre de la fenêtre de sa chambre. Sa mère est morte depuis dix ans. C’est impossible, et pourtant c’est vrai. Comme il y a évidemment un « truc », le romancier se transforme en illusionniste, en artiste de music-hall, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs – s’ils sont bon public, et le prestidigitateur habile. Le tour de magie ou de passe-passe doit être bien sûr original et inédit. Un tour de force pour le romancier, heureux quand il y parvient.
Mon dernier roman en date : « Terreur aux Sables d’Olonne » (Editions E.C.D. – contact : 06.79.45.04.43)


SERGE LE GALL

Pour tenter de répondre à cette question, je ne me vois pas en capacité de me contenter d'un seul nom, même si celui-ci pourrait être une référence incontestable. Bien au contraire, je crois à la diversité dans la production des auteurs afin de répondre à l'éclectisme naturel de nos lecteurs. Diversité et foisonnement permettent de lutter contre le formatage à outrance qui pourrait faire que les auteurs soient finalement contraints d'écrire sur un sujet imposé… Et c'est justement dans cette profusion que j'ai trouvé et trouve encore mon bonheur de lecteur.
Je rends hommage en premier lieu aux auteurs du Fleuve Noir. Dans les années soixante, j'ai découvert ces petits bouquins qu'un marin de commerce emportait sur toutes les mers du monde. A chaque retour. Il les distribuait aux adolescents du quartier. Nous pouvions nous mettre dans la peau de Coplan, nous prendre pour Calone et jalouser Gaunce en pensant à la belle Tamara.
Paul Kenny, Serge Laforest, Claude Rank ou M.G. Braun, Frédéric Dard ( plus que San Antonio ) ont meublé bien des soirées d'hiver au temps où il n'y avait pas la télévision à la maison. Et l'été, je rencontrais Alain Page tous les matins. Il venait à la librairie prendre ses journaux en voiture de sport. A voir ses yeux gonflés, j'imaginais sa nuit d'écriture. De quoi se faire bien des clichés sur les auteurs de polars.
Ensuite, il y a eu Simenon chez qui j'ai découvert la condition humaine des criminels d'occasion, ceux que j'affectionne le plus, littérairement bien sûr. Le crime ordinaire suite à un passage à l'acte qui s'explique par un grain de sable. Le sentiment basique, parfois très brut de la haine, de la jalousie, de l'amour ou de la cupidité sur fond de petite bourgade, de hameau ou de canal nonchaland. Une manière de préférer les chevaux au torse puissant rappelant les dessins de Marcel Gonzalez à la pétarade des voitures polluantes.
Et puis, j'ai découvert Jean-Claude Izzo avec son incroyable talent, sa façon de mêler le sang des victimes à l'eau des calanques. James Ellroy pour du très noir urbain et Michael Connelly parce qu'il regarde par sa fenêtre, le coyote s'éloigner. D'autres auteurs aussi...( pour une prochaine fois) Tout ça pour me donner la liberté d'écrire aujourd'hui ce que je veux comme je veux .
– A lire « : « Le moine rouge de Carantec » de Serge Le Gall (Ed. Alain Bargain)


JACQUES BULLOT

Devant l’avalanche de publications se rattachant à ce qu’il est convenu d’appeler la littérature policière il semble difficile de ne pas faire un choix. Peut-être certains lecteurs se délectent-ils indifféremment de tout ce qui est publié : romans à énigme, polars historiques, enquêtes de détectives hard-boiled, intrigues soft proposées par le rom-pol [À ma connaissance ce terme a été forgé par Fred Vargas (voir l’interview qu’elle a donné au journal de quartier « La Page du 14ème arrondissement », n°37, 1998, reproduite sur www.polar-link.net] Ce n’est pas mon cas. Je sélectionne. Certains genres me hérissent le poil. Ainsi, je suis incapable de m’intéresser aux exploits libidineux de tueurs en série et à la description complaisante de cadavres de femmes éventrées et de murs souillés de sang. Question de goût !
Mais j’arrête là. On me demande de parler de ce que j’aime et non l’inverse.
Il est un genre romanesque dans lequel la vie s’insère dans toute sa complexité. La société n’y est pas seulement un décor mais, souvent suspecte, rarement héroïne, elle est placée au centre de l’intrigue pour qu’on y puisse démasquer son rôle. La critique sociale, la politique avec son cortège de magouilles, trafics d’influence, prises illégales d’intérêts et corruptions en tous genres s’invitent et font partie intégrante de l’intrigue. Souvent le héros n’est qu’un fétu de paille ballotté par des événements qui le dépassent. Certains parlent alors de romans noirs, un concept qui ne fait pas l’unanimité mais a été précisé et discuté. (Lire : “Roman noir. Pas d’orchidées pour miss Blandish”, Les Temps Modernes, n°595, 1997 ; “Le Polar. Entre critique sociale et désenchantement.” Mouvements, n° 15/16, 2001.)
Beaucoup d’auteurs logent à l’enseigne du roman noir. C’est à cette adresse que j’aie rencontré Jean Meckert alias Jean Amila. (Lire : “Amila/Meckert. L’homme révolté”, 813, Les amis de la littérature policière, n°93, 2005) Itinéraire choisi.
Première lecture : « La Lune d’Omaha ». Il fallait avoir le culot d’écrire ce roman salutaire, à l’époque où le film « Le jour le plus long » offrait du débarquement du 6 juin 1944 à Omaha Beach, une vision éloignée de la réalité au point de faire l’impasse sur la boucherie des premières heures. Amila dans sa saisissante description, fait dire au soldat Hutchins : « Ici, c’était autrement génial, proprement lumineux !… L’attaque à saturation ! Les armes ennemies détectées dans le secteur Fox pouvaient abattre cinquante hommes-minute ? Eh bien, on en débarquait cent. Absolument irréfutable !… Il suffisait d’amener sur Omaha Beach plus d’hommes que l’ennemi n’en pouvait tuer. Plan grandiose dans sa simplicité ! » Quand, quarante ans plus tard, Spielberg dans son film « Il faut sauver le soldat Ryan », remet les pendules à l’heure, on ne peut s’empêcher de penser aux premières pages de « La Lune d’Omaha ».
En 1950, dans « Y’a pas de bon dieu » Amila raconte l’histoire des habitants de Mowalla, un petit village de montagne américain, qui se bat, sous la houlette d’un pasteur de choc, contre une société qui veut virer les ploucs de la montagne pour construire un barrage hydroélectrique. Et ça se passe mal. « Pasteur Wiseman, menace l’homme en blanc un des responsables du Dam, c’est la lutte de l’escargot et du bison. Si vous ne fuyez pas vous serez écrasé. Nous devons construire un barrage dans cette vallée et nous le construirons !… ». Et d’ajouter : « (…) Nous n’allons pas arrêter nos travaux parce qu’un prêcheur crétin veut embrigader ses ouailles dans une croisade contre le progrès. (…) Le Dam ne se laissera pas ridiculiser par un quarteron de plouc des montagnes. »
Comment ne pas évoquer le contexte de l’époque en France et le problème qui agite l’opinion au début des années cinquante. Le projet de construction du barrage de Tignes en Savoie se heurte aux habitants de la vallée. Dès 1946, ils portent l'affaire devant les tribunaux afin d'obtenir l'annulation des décrets déclarant d'utilité publique les travaux du barrage. Comme les péquenots de Mowalla ils se bagarrent et perdent. En 1952, le village est dynamité et recouvert par les eaux. On reloge les habitants dans le nouveau village des Boisses. Depuis, quand EDF vidange son barrage il y a, paraît-il, un pèlerinage sur les lieux.
À côté de l’auteur grave et révolté, il est un Amila plein d’humour bonhomme comme celui de « Jusqu’à plus soif », la saga de Nomville, petit bled normand dont la vie tourne autour de la distillation, du commerce et de la consommation du calva. Chaque citoyen boit la goutte à longueur de journée, le curé, les gendarmes, tout le monde boit. Les gosses picolent à la récré.
Le roman date de 1962. Huit ans plus tôt, les bouilleurs de cru, alliés à l’extrême droite, ont eu la peau de Mendès-France, le seul homme politique qui ait osé se battre contre l’alcoolisme, durcir le régime fiscal des bouilleurs de cru et promouvoir la consommation du … lait !
Et puis il y a « Au balcon d’Hiroshima » et bien d’autres, histoires d’individus malmenés par la société mais qui se battent et, parfois, gagnent. Comme les quatre mômes, 8-14 ans, fils de mutins fusillés en 1917 qui, dans « Le Boucher des Hurlus » s’en vont faire la peau au général, héros galonné qui a fait massacrer des dizaines de milliers de poilus pour conquérir, à Perthes-les-Hurlus, un morceau de terre qui n’avait aucune valeur stratégique. Eux, ils gagnent… à leur manière.
Qu’écrirait Jean Meckert s’il vivait parmi nous à l’époque de Sarko et de Le Pen, du tout répressif, du CNE, de l’exclusion, de la crise du logement et de la destruction de la planète ? Devinez !

On peut contacter Jacques Bullot sur son site internet : www.polar-link.net et lire, par exemple :
« Du Nitrate dans le Cassoulet » Roman, suivi “D’Engrais ou de Force”. Ed e-Dite, 2005
« Rappel à l’ordre », nouvelle in recueil collectif « La France d’après », éditions Privé, coll. Les Clandestins, mars 2007


DOMINIQUE INSCHAUSPE

Mes maîtres du polar sont ceux que je considère être ses pères fondateurs : Dashiell Hammett et Raymond Chandler. En quelques romans, ils créent un héros neuf : le dur solitaire sans état d’âme (Sam Spade et le continental Op.) ou le même avec nonchalance (Philip Marlowe). Ils inventent un monde nouveau : les quartiers riches et les tripots que fréquentent truands, policiers et désaxé(e)s de tous ordres.
Le destin du polar est comparable à celui de la tragédie grecque : à peine créé (dans les années 1920 aux Etats-Unis), il atteint sa perfection. Avant, Edgar Poe est à la limite de la littérature fantastique. Quant aux Sherlock Holmes et Hercule Poirot, ils traquent des criminels d’opérette dans des décors de théâtre. Les intrigues sont des constructions de l’esprit. Ces romans séduisent mais on n’y hume pas le mal ni la sueur des coups. Déformation professionnelle sans doute : le prétoire veut des crimes rudes. Après, selon moi, le genre ne se renouvelle pas. De nos jours encore, on y trouve surtout des solitaires durs, marginaux qui luttent contre le mal et qui se ressemblent tous. Les rebondissements y sont souvent peu vraisemblables. L’écriture elle-même paraît interchangeable, faute d’une sensibilité personnelle : hormis par le sujet, comment distinguer un Grisham d’un Clancy ou d’un Connelly ? Certes, on les lit d’un trait et c’est bien agréable. Bien sûr, il y a quelques exceptions : Robin Cook et ses vrais truands, psychopathes infantiles et sanguinaires, Stuart Kaminski et son privé dans le Hollywood des années 1940, Tony Hillerman et ses enquêtes indiennes ou Maigret et ses finesses. Mais Simenon est plus proche de la littérature classique que du roman noir.
Le polar a une autre singularité : ses conventions strictes et spécifiques. Par exemple, le bien y triomphe toujours : où a-t-on vu cela ? Ensuite, le héros survit à tout, indemne ou guéri de ses blessures alors que nous portons toute notre vie les séquelles de nos aventures. Enfin, les prétendues faiblesses du flic ou du privé, ajoutées pour faire bonne mesure, semblent portées en bagages accompagnés : la dureté initiale –inhumaine- du héros n’est pas entamée.
Serait-ce la raison pour laquelle le polar peine à atteindre le statut de vrai genre littéraire ? En littérature ‘classique’, les faiblesses des solitaires sont une part intrinsèque de leur personnalité et d’elles jaillissent les très grands romans : Lord Jim, de Conrad, va faillir et sa lutte contre lui-même en fait un vrai héros ; son autre personnage fameux, Almayer, est ballotté par le monde malais et sa chute est saisissante.
Mais pourquoi faire la fine gueule ? Dans ‘The lady in the lake’ de Chandler, ce cadavre qui remonte à la surface, blanchâtre et décomposé et qu’une gaffe retourne ! Dans ‘La moisson rouge’ de Hammett, le Continental Op. en train de faire la tournée des bars pour lancer une rumeur… Et ce mal gouleyant auquel se collette Philip Marlowe, ses bellissimes créatures perverses et nymphomanes et le vieil homme taillant ses orchidées ! Allez, accoudé au bar, un scotch à la main et le .38 sous l’aisselle, replongeons-nous dans ‘Le faucon maltais’ de Hammett ou dans ‘Le Grand Sommeil’ de Chandler ; le dos au mur, à tout hasard.
- Un excellent roman de Dominique Inschauspé : « Chaos Kanak » (Albin Michel)


En bonus, HERVE JAOUEN et JEAN-JACQUES REBOUX :

Bien qu’il soit actuellement très occupé, Hervé Jaouen nous indique que l’auteur et le livre l’ayant le plus marqué est « Le facteur sonne toujours deux fois » de James Cain, pour son sens du tragique. Hervé Jaouen a publié en février 2007 « Fleur d’achélème » aux éditions Diabase.
Tout aussi débordé, Jean-Jacques Reboux répond : « Femmes blafardes » de Pierre Siniac. Il est vrai que l’esprit, l’approche d’une écriture imaginative chez ces deux auteurs est assez comparable. Un des derniers romans de J.J.Reboux : « De Gaulle, Van Gogh, ma femme et moi » (Editions Après la Lune)



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