Une voiture pour deux d'Alfredo - RayonPolar

- Pub Google -



Imprimer

cliquez pour charger le texte au format pdf et l'imprimer

Une voiture pour deux

par

L.Alfredo


La Bio

sécuritest



Il fixa un instant le plafond puis, d'un pas incertain, gagna la salle de bain et déverrouilla le robinet d'eau froide. Il observa la vasque se remplir avant d'y plonger la tête.
Il se doucherait après avoir bu un café.
En épongeant les gouttelettes qui coulaient le long de sa poitrine musclée, il dévisagea le reflet que lui expédiait le miroir.
Assis devant la table de la cuisine, il avala une dernière gorgée de café. Plus tard, sur une aire d'autoroute, il achèterait un ou deux croissants. Pour l'instant son estomac refusait tout aliment.
De retour dans la salle de bains, il actionna le poussoir thermostatique de la douche et se glissa parmi la dizaine de jets…
Au fil des gouttes, qui ruisselaient le long de son corps, il émergea enfin de l'état semi-conscient dans lequel il se débattait.
Il s'enveloppa dans son peignoir rouge, et laissant sur la moquette du couloir des empreintes humides, il rejoignit la chambre.
Jamais il n'avait dérogé à ce rituel matinal. Par contre demain, quand tout serait enfin réglé, il en modifierait un élément, il remplacerait le café par du champagne.
Dans le lit conjugal, ne laissant entrevoir que sa chevelure brune, sa femme dormait à poings fermés.
Une grimace de dégoût lui retroussa les lèvres puis, sans égard pour son sommeil, il ouvrit la fenêtre, balança le peignoir sur la commode et entreprit de s'habiller.
- Tu ne peux pas fermer cette fenêtre ! protesta-t-elle.
Il haussa les épaules. Le souvenir qu'elle emporterait de lui dans sa tombe ne l'intéressait pas.
- Secoue-toi les fesses, sinon, on va être en retard, lui lança-t-il

Les suspensions souples de la voiture, qui filait sur l'autoroute, filtraient efficacement les défauts de la chaussée. A plus de180, les 300 chevaux du moteur ronronnaient gaiement.
Les yeux cloués au bitume, ses pensées voguaient à mille lieues de l'habitacle.
Il la voyait se mouvoir, gracieuse, exquise, lumineuse ! Elle était tout le contraire de celle qui se tenait à ses côtés, à la place du mort…
Sa femme était vieille, laide et conne, alors qu'elle, elle était jeune, belle et spirituelle !
Il lorgna son épouse. Elle scrutait goulûment la route, le corps tenu au fauteuil de cuir par la ceinture de sécurité.
- Tu es obligé de rouler aussi vite ? s'inquiéta-t-elle sans détourner ses yeux.
Il haussa mentalement les épaules puis, renonçant à l'inquiéter, relâcha la pression sur la pédale de l'accélérateur avant d'attacher de nouveau son regard sur l'asphalte gris.
Aussitôt le souvenir de son amante l'envahit… mais à son image se mêla celle de sa femme.
Mais pourquoi ne disparaissait-elle pas de sa vie ? Pourquoi ne le laissait-elle pas vivre en paix ? Pourquoi ?
Certes, il aurait pu se séparer d'elle. Quoi de plus simple que de divorcer ? Mais quitte-t-on plusieurs centaines de millions sur un coup de tête ? Surtout pour une jeune étudiante sans un sou. Il faut savoir raison garder !
Alors depuis plusieurs mois, il s'accrochait à sa vie conjugale, à celle dont le cul pesait des millions. Mais aujourd'hui il raflait la mise : l'argent, la liberté et l'amour...
En fait, il se satisferait des deux premiers termes, en ce qui concernait l'amour il préférait temporiser !
Dans la vie on n'est jamais assez prudent. Il l'avait appris à ses dépends. Dix ans de collage administratif… Une jeune étudiante, qui n'avait que son corps à lui offrir, ne le piégerait pas !
L'aiguille du compte-tours s'aventurait de nouveau vers les hauteurs du cadran et les cinq cylindres en ligne crachaient toute leur puissance.
Les yeux rivés sur l'horizon, il vit se dessiner le portique du péage…



La sonnerie du réveil la tira du sommeil, elle souleva une paupière lourde de crème hydratante mais demeura immobile, souhaitant renouer avec les songes. Des grognements masculins, les gémissements d'un robinet et le chuintement d'une cafetière ruinèrent ses espoirs.
Décidément ce type ne changerait jamais !
Elle devina sans peine la grimace de dégoût que lui arrachait la première gorgée de café.
Mais le cérémonial continuait et, au ruissellement de la douche, un sourire moqueur germa sur son visage, elle l'imaginait savonner délicatement sa poitrine athlétique, comme s'il eut craint d'en décrocher un muscle.
Dans quelques minutes, il pénétrerait dans la chambre, ouvrirait brutalement la fenêtre puis balancerait son peignoir sur la commode et conclurait ses faits et gestes par une grossièreté…
Mais que pouvait-elle espérer de cette ancienne doublure croisée sur un plateau de cinéma ? On ne se défait pas de son éducation parce qu'on enfile un smoking !

Elle s'installa sur le siège avant droit, aux formes ergonomiques, avec cette lenteur qu'elle avait apprise au fil du temps et qui l'exaspérait.
Elle guetta le petit tressautement de l'œil, la légère dilatation de la pupille, signe de l'énervement croissant qu'il arrivait de moins en moins à dissimuler, surtout depuis qu'il fréquentait une étudiante.
Elle le considéra avec une pitié réjouie.
Son regard parcourut la planche de bord, aux matériaux chaleureux. Un moment, il s'attarda sur la console centrale que perçait l'écran à cristaux de l'autoradio.
Les millions paternels lui permettaient d'envisager sereinement l'avenir.
Elle le scruta à la dérobée. Les traits tendus, le visage d'une pâleur cadavérique, il semblait perdu dans ses réflexions.
Elle sourit in petto. Ses pensées ne l'affectaient plus depuis fort longtemps. Certes, elle en percevait des fulgurances meurtrières, mais embourbé dans ses mensonges, dans le cruel dilemme qui le tenaillait, l'amour ou l'argent, elle le savait inoffensif.
Son sourire s'accentua. Bientôt elle mettrait un terme à cette situation…
Elle l'observa de nouveau. Il avait oublié un bouton de manchette, et regardait la route, la lèvre légèrement pincée.
Au loin apparut le portique du péage…
- Peux-tu me passer ma veste ?… Elle est derrière … lui demanda-t-il d'une voix aimable.
Comme elle ne voyait aucun inconvénient à conserver l'apparence de la convivialité, elle se tourna en tendant la main. La veste habituellement jetée en boule sur la banquette arrière était aujourd'hui soigneusement pliée sur la lunette.



De grands panneaux autoroutiers annonçaient l'approche du péage, alors que d'autres, triangulaires, invitaient l'automobiliste à tester ses freins.
L'embouteillage s'étendait sur plusieurs centaines de mètres Ses yeux localisèrent très vite l'arrière d'un camion à l'arrêt. Il obliqua dans sa direction, tout en décélérant.
Ses réflexes de cascadeur s'éveillèrent en lui. Les mains solidement agrippées au volant, le dos fermement calé au dossier, il demanda à son épouse de lui attraper sa veste.
Il l'avait déposée hors de portée afin de la contraindre à détacher sa ceinture.
Elle se retourna, tendit le bras puis, constatant qu'elle ne pouvait y parvenir, déverrouilla sa ceinture et se pencha par-dessus le siége.
Ses yeux sautèrent du compteur de vitesse au tachymètre.
Le camion n'était plus qu'à une centaine de mètres… Sa femme, à genoux sur le siége, tentait d'atteindre la veste…
Son plan était imparable ! Qui le soupçonnerait d'avoir percuté volontairement ce camion dans le seul but d'assassiner sa femme ? Une seule ombre au tableau : il avait dû désactiver tous les airbags…
La direction souple et précise répondit à sa sollicitation. La voiture se cala sur sa nouvelle trajectoire, seul le côté avant-droit s'encastrerait sous le poids lourd…
Parvenu à une vingtaine de mètres il accéléra… L'impact propulserait son épouse à travers le pare-brise



Elle sentit la brusque accélération… en un éclair, elle perçut l'arrière menaçant du camion…
En équilibre sur le haut du siège, elle bascula précipitamment entre la banquette arrière et les dossiers des siéges…
Elle s'étonna que la haine ne rythme pas toujours avec l'impuissance… Elle sentit dans sa main le métal froid de la boucle de la ceinture de sécurité de son mari et entendit un déclic sec dans l'habitacle étrangement silencieux.



Il se réveilla dans la clarté blanchâtre d'une chambre étrangère le nez agressé par des odeurs pharmaceutiques.
Son regard croisa celui de son épouse.
- Tu sais mon chéri, la police dit que j'ai eu beaucoup de chance de m'être trouvée à l'arrière au moment du choc. Je te dois la vie en quelque sorte… Tu te rend compte les airbags n'ont pas fonctionné !… Ceci dit, je ne comprends pas que toi, un ancien cascadeur, d'habitude si prudent, tu aies oublié de boucler ta ceinture de sécurité ! Enfin, en y mettant le prix, les docteurs affirment qu'on pourra te greffer quelques prothèses qui t'aideront à te tenir assis.

Vos commentaires

excellent. tres bonne, tres vraie, la haine.
amy shark # ouchebti@earthlink.net
jour de sa mise en ligne
        
bof....
#
jour de sa mise en ligne
        
ca tient pas la route!
Ernest C # EC@manresa.net
jour de sa mise en ligne
        
Commentaire
Nom
Mail
Recopier le code:
Le champs commentaire est obligatoire
Les commentaires apparaissent immédiatement



Pour être informé des Mises à Jour, Abonnez-vous à l'Hebdo du RayonPolar
Indiquez votre Mail

Les réclames du RayonPolar

Pour votre publicité, contactez le site

Pub sur RayonPolar

Sur les 32200 pages du Site
chiffres Google Le jeudi 3 Novembre 2011







En accédant à ce site marchand par l'intermédiaire de ce lien vous soutenez financièrement le RayonPolar






Site dédié au Polar-Film-Série
Si vous entrez directement sur cette page,
Retrouvez ses nouvelles en ligne, ses critiques de polars, de films, de séries TV
Sa liste de revues et sa galerie de couvertures de polars anciens.
Visitez le Rayon Polar
Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les gros mensonges et les statistiques.
- Benjamin Disraeli (1804-1881), homme politique britannique















Pinterest
(C) Les textes n'engagent que leurs signataires
RayonPolar
Certaines illustrations de ce site sont des reprises des couvertures de la collection Néo et sont signées
Jean-Claude Claeys.

Reproduit ici avec son aimable autorisation
Pour visiter son Site
Pour acheter des originaux
Cliquez sur l'image
RayonPolar