La dernière digestion d'Alfredo - RayonPolar

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La dernière digestion

par

L.Alfredo


La Bio

Mon congélateur est vide... (cliquez pour m'écrire)



Des vapeurs, saturées de senteurs âpres, croupissaient dans la maison. Dans cette demeure, enclave des ténèbres, l'atmosphère collante, qui flottait dans chaque pièce, engluait le moindre geste. On n'avançait pas, on piétinait dans un brouillard d'encens, dans la lumière pâlotte et vacillante des cierges.
Parfois un couinement de porte résonnait et le vent s'engouffrait dans le couloir obscur. Pendant un court instant, son souffle brassait le nuage compact et fétide qui y stagnait.
Par moments, des paroles, dévorées par la masse noire, ne traduisant aucune pensée, se propageaient sur fond de musique digestive, dans ce cloaque.
Un couple vivait dans ce trou infâme.
Un homme et une femme partageaient leur existence dans ce décor qu'ils avaient patiemment construit, qui leur plaisait, qui correspondait à leur désir intime. Ils ne se contentaient pas d'une vague vision des faits et des choses, ils agissaient, sans reniement, sans compromission, en suivant des règles strictes, conformes à leur conception du monde.
La femme, ombre décharnée, était couverte d'eczéma suintant qui conférait à son visage l'aspect d'une tomate en voie de putréfaction. Depuis plus de quatre ans, elle n'avait pas quitté l'antre poisseux qu'elle occupait avec son compagnon.
Ce jour-là, après le repas constitué de bouillies jaunâtres, alors que, prostrée dans un recoin de la pièce, elle marmonnait une litanie sans fin, l'ultime amarre qui retenait l'homme cassa. Sa cervelle se brisa. En une fraction de seconde, il cessa d'être un humain, il devint la folie.
Sur sa figure anguleuse, s'épanouit un sourire qu'édentaient des caries. Il avait basculé dans un ailleurs ensoleillé, sucré, où voguaient des êtres parfaits, des êtres sans visage, sans corps, des êtres purs... des idées.
Il voyait l'endroit dont ils rêvaient, vers lequel, depuis une éternité, ils marchaient. Cette vision lui procura un plaisir infini. Leur attente ne durerait plus très longtemps. Le royaume des cieux était à portée de main !
Il poussa un hurlement.
- Nous y sommes ! lança-t-il en se levant précipitamment.
Son cri arracha la femme de la léthargie où elle flottait. Elle bondit sur ses pieds et se jeta sur lui.
- Ne m'abandonne pas ! ... Amène-moi ! ... s'écria-t-elle nerveusement.
Gentiment, un sourire tendre mais supérieur aux lèvres, il lui caressa les cheveux.
- Je ne peux pas ! ... Si je pars, je ne pourrais pas revenir te chercher ! ...
- Non ! ... Ne m'abandonne pas ! ... Amène-moi ! ... Je t'en supplie !
L'homme la repoussa légèrement et l'enveloppa d'un regard amoureux.
- Tu dois partir la première ! décréta-t-il.
Il se dégagea complètement de l'étreinte de sa compagne, lui tapota la tête avec douceur, puis, guidé par la lueur des bougies qui serpentait le long du couloir, il gagna la cuisine.
Lorsqu'il revint, il tenait à la main un couteau.
- Si tu veux venir, tu dois partir la première, dit-il.
Joyeuse, son amie se pendit à son cou. La lame du couteau lui perfora le ventre. Un bruit de pastèque écrabouillée monta dans la pièce. La lame décrivit une spirale. La peau de l'abdomen se déchira. La femme porta ses mains sur son ventre. Du sang suinta entre ses doigts.
La bouche crispée par la douleur, elle dévisagea son compagnon, avant de baisser les yeux. Un amas de viscères sanguinolentes chuta sur le sol poussiéreux. Elle contempla, un instant, le liquide visqueux qui s'écoulait le long de ses jambes, puis, le regard vide, elle s'abattit sur le plancher.

Des larmes ravageaient sa face terreuse. Elle était partie depuis une heure ; depuis une heure, elle était là-bas, et depuis une heure, il attendait que la route s'ouvre de nouveau.
Le chemin s'était refermé ! ... La vision avait disparu ! ... On ne voulait pas de lui ! ...
Son regard tomba sur le corps de son amie. Elle gisait dans un coin de la pièce, l'estomac répandu sur le parquet, les cheveux baignant dans une mare de sang.
Lentement, il se redressa, puis, se penchant sur la dépouille de sa compagne, l'attrapa par les chevilles, tracta le cadavre jusqu'à l'escalier qui conduisait à l'étage et au grenier, creusant, derrière lui, dans la poussière et la crasse qui couvraient le sol, un long sillon de sang.
Au souffle rauque et asthmatique de l'homme répondaient les chocs sourds et réguliers du crâne de la femme contre les marches.
Il embrassa du regard la pièce dans laquelle il venait de pénétrer, puis il saisit le cadavre par les aisselles, le souleva et le déposa sur l'établi.
Il quitta son atelier, s'arma d'une vieille serpillière et lessiva, rapidement, la salle à manger, le couloir, et l'escalier.
La scie circulaire hurlait, l'hémoglobine et la chair broyée giclaient le long de ses bras, sur son torse, son visage. Il avait extrait, un à un tous les organes, les avait abondamment nettoyés à l'eau fraîche avant de les disposer dans des plats à four en aluminium. Maintenant il débitait, en tranches fines, le cadavre. Subitement, alors que l'acier attaquait le bassin, la scie émit une plainte stridente. La lame se bloqua. Il désengagea légèrement le corps. La lame reprit sa rotation. Il reçut un débris d'os dans l'œil.
Il ne restait plus sur la table que le crâne de son amie.
Il observa un long moment la tête sans vie de sa compagne. Que devait-il faire des cheveux et des yeux ?
Il décida de la scalper. Armé d'un cutter, il incisa le cuir chevelu et tira dessus de toutes ses forces. La peau demeura collée à l'os, le crâne glissa entre ses mains, tomba par terre et roula sous une chaise. Il regretta de ne pas avoir commencé par les yeux.
A l'aide d'une petite cuillère, il énucléa les yeux et cura avec soin les orbites.
Les globes oculaires rejoignirent le scalp, qui baignait dans de l'essence au fond d'une boite de biscuits en fer.

Les jours et les nuits s'étaient succédés sans qu'aucune vision ne vienne en rompre la monotonie, ne vienne faire renaître l'espoir.
Assis sur une chaise de la cuisine, il fixait, silencieux, la lumière du four.
Il disposa, rapidement sur la table, une assiette, un couteau, une fourchette et un verre, puis, la main protégée par un torchon, il sortit du four le plat où mijotaient des morceaux de viande bouillie.
Il expédia en quelques minutes son repas. La viande était fade, avec un arrière goût aigre. Il haussa les épaules. Demain, il mangerait de la cervelle.
Les premiers malaises se firent sentir peu de temps après.
Brusquement, alors qu'il rêvait de sa compagne, la pièce se mit à tournoyer violemment, et son corps se couvrit de sueur.
On l'attendait. La route des cieux s'ouvrait. Il profita d'un court répit pour gagner son lit.

Il tremblait convulsivement, s'agrippant aux draps de sa couche comme à une bouée de sauvetage. Mais tels ceux qui, perdus en haute mer, s'accrochent à un frêle flotteur, il se sentait happé, inexorablement, par les abîmes.
Les pores de son épiderme, dilatés jusqu'à la déchirure, crachaient leur jus aux relents d'urine ; un filet verdâtre et ininterrompu de vomi s'écoulait de sa bouche entrouverte, et, émergeant, de temps à autre, de son ronflement catarrheux, un bruit de siphon d'évier aux prises avec la soude se faisait entendre. Ses intestins se vidaient.
Il se décomposait. Il expulsait, par tous les orifices, les larmes, la sueur, les vomissures, les excréments... la pourriture qui le bouffait.
Après un ultime spasme, il hoqueta et dégorgea pour la dernière fois.
Son corps retomba au milieu de la flaque de vomissure et d'excréments que son lit ne pouvait plus éponger.

Huit jours plus tard, à cause de la puanteur intenable qui s'échappait de la maison, un voisin découvrit le mort.
Le légiste conclut à un décès par intoxication alimentaire.
- Une affaire banale ! lança le commissaire René Charles de Villemur.
Michel Leclair, le médecin légiste, lui répondit avec une pointe de raillerie :
- Oui ! ... Sauf que les dizaines de plats que nous avons trouvées dans le congélateur regorgent de chair humaine !

Vos commentaires

C'est spécial... ça donne pas vraiment faim
P.Paul #
jour de sa mise en ligne
        
special
#
jour de sa mise en ligne
        
ok c'est vraiment special
Jacques # Jc@wanadoo.fr
jour de sa mise en ligne
        
c'est dégoutant
#
jour de sa mise en ligne
        
à lire
Etienne # etienne@wanadoo.fr
jour de sa mise en ligne
        
c'est dégoûtant? j'ai pas trouvé; la dernière phrase est peut-être inutile (on l'a bien compris que c'est de la chair humaine, non?) ça fait un peu retomber le texte, je trouve. bon cannibalisme
amy # ouchebti@earthlink.net
jour de sa mise en ligne
        
this sucks
#
jour de sa mise en ligne
        
Phantasmes? qui sait?
presciutti # spp.presciutti@belgacom.net
jour de sa mise en ligne
        
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